Note de l’Observatoire du Bien-être n°2022-10 : Le Bien-être des Français – Juin 2022

Notre baromètre de juin 2022 fait apparaître l’image d’un rétablissement du volet émotionnel du bien-être subjectif, d’une stabilité de la plupart des autres domaines, mais d’une grande inquiétude quant aux perspectives économiques.

Sur le volet matériel, la satisfaction des individus à l’égard de leur propre niveau de vie résiste également. Par contraste, un tiers des ménages ont le sentiment que leur situation financière s’est dégradée au cours de l’année passée, et une part similaire pensent qu’il va en être de même dans l’année à venir.

Ce pessimisme quant à la situation financière individuelle s’étend au domaine collectif, 40% des ménages estimant que la situation économique du pays va nettement se dégrader au cours de l’année à venir.

Publié le 28 juillet 2022

Mathieu Perona, Observatoire du Bien-être du Cepremap

Relevé au lendemain du début de la guerre en Ukraine, notre Tableau de bord de mars soulignait l’inquiétude pour l’avenir, en particulier du fait des conséquences économiques de la guerre, ainsi qu’un niveau d’anxiété due à la crise sanitaire encore élevé. Celui de juin montre la persistance des inquiétudes quant aux perspectives économiques, pour chaque ménage et plus encore à l’échelle du pays. Pour autant, les principaux indicateurs de bien-être résistent, avec une normalisation du niveau de bien-être émotionnel et, malgré les premiers effets de l’inflation, une stabilité de la satisfaction des individus à l’égard de leur niveau de vie personnel.

Un bien-être d’ensemble qui résiste

Après avoir connu de fortes variations pendant les deux années passées, notre mesure la plus générale et évaluative du bien-être, la satisfaction dans la vie, s’établit à son niveau moyen depuis le début de notre enquête (Figure 1). La baisse des trois précédents trimestres est arrêtée, ce qui ressemble à un retour à la normale. L’écart entre hommes et femmes – au détriment de ces dernières – observé en mars a disparu.

Figure 1 Dans l’ensemble de cette Note, les barres grisées indiquent les confinements en France métropolitaine, et la barre jaune clair la période la plus intense du mouvement des Gilets jaunes.

Nous observons également chez les femmes de notre échantillon une forte progression du sentiment d’avoir été heureuse la veille et une diminution tout aussi sensible du sentiment d’avoir été déprimées. Il faut dire que nous partions de niveaux assez inquiétants pour ces deux dimensions du bien-être émotionnels, comparables à ce que nous avions vu lors de la pandémie. Ces deux dimensions du bien-être émotionnel étant stables chez les hommes, la mesure d’ensemble rejoint un niveau proche de celui de long terme, et même un peu plus favorable (Figure 2).

Figure 2

La moindre présence des images terribles du conflit Ukrainien, son installation dans un temps plus long ont pu jouer un rôle, avec aussi un effet saisonnier du retour des beaux jours.

Une résistance qui contraste avec les inquiétudes sur la situation économique

Si la menace d’une guerre qui embraserait l’ensemble de l’Europe n’est plus dans les esprits, les conséquences économiques du conflit sont devenues beaucoup plus tangibles, en particulier l’inflation. Nous avons souvent souligné le lien fort en France entre le bien-être et le revenu, mais aussi avec le sentiment d’aisance financière – ce dernier dépendant autant des besoins subjectifs que du niveau de revenu. Or, malgré des inquiétudes financières, le bien-être subjectif résiste largement.

La Figure 3 met ainsi en regard, sur une échelle commune, la satisfaction dans la vie et l’indice de confiance des ménages de l’Insee. Alors que ce dernier – qui mesure les anticipations économiques des personnes interrogées – atteint son plus bas depuis presque 10 ans (juin 2013), la satisfaction dans la vie reste proche de sa moyenne.

Figure 3

Même notre question plus spécifique sur les conditions matérielles, qui interroge sur la satisfaction à l’égard du niveau de vie, est certes en perte de vitesse depuis son pic de la pandémie, mais ne décroche pas nettement (Figure 4). Les Français restent à cet égard plus satisfaits que la plupart des trimestres d’avant la pandémie.

Figure 4

Comme le rappelle la note de conjoncture de l’Insee1, les anticipations d’inflations ont connu leur pic au mois de mars. En juin, elles reviennent à leur moyenne de longue période, mais nettement au-dessus des niveaux généralement connus depuis 2005.
De fait, près d’un tiers des Français interrogés s’attendent à ce que leur situation financière sur l’année à venir se détériore (Figure 5), et ils sont près de 40% à estimer qu’elle s’est déjà dégradée au cours de l’année passée. Dans les deux cas, il s’agit de niveaux relativement élevés, comparables à ceux observés autour de la crise des Gilets jaunes.

Figure 5

Pour autant, l’appréciation de l’équilibre financier des ménages reste plutôt stable. La part des ménages qui estiment tirer un peu sur leurs réserves a certes augmenté au cours de l’année, mais reste aux alentours de 20%, son niveau d’avant la pandémie (Figure 6).

Figure 6

Il semble que la dynamique négative n’ait pas encore produit tous ses effets sur le niveau de vie des Français, le bouclier tarifaire (voir à ce sujet la récente Note de l’Observatoire Macro2)

L’augmentation des prix du carburant touche mécaniquement davantage les ménages ruraux, qui sont plus dépendants de leur voiture. De fait, nous observons une baisse de la satisfaction à l’égard du niveau de vie dans les communes rurales, mais pas dans les agglomérations urbaines (Figure 7).

Figure 7

Un avenir qui reste sombre

À un niveau plus collectif, les Français restent pessimistes sur les perspectives économiques du pays. Comme au trimestre dernier, près de 40% considèrent que la situation économique va se dégrader au cours des 12 prochains mois. Il s’agit d’un niveau comparable à ce qu’on avait vu de pire pendant la pandémie, et cinq points au-dessus de la crise des Gilets jaunes (Figure 8).

Figure 8

Ce pessimisme quant aux perspectives économiques contribue à expliquer pourquoi l’appréciation de ce que les personnes vont vivre dans les années à venir est à un niveau déprimé (Figure 9). La question consacrée à ce sujet affiche cependant une légère amélioration ce trimestre, due essentiellement à un optimisme renouvelé des plus de 65 ans. On peut penser que leur statut de retraité, l’indexation des pensions les protègent en partie des inquiétudes d’ordre financier, tandis que le recul des inquiétudes relatives au Covid-19 rapproche la perspective d’un retour à la normale.

Conclusion

L’image d’ensemble du mois de juin est dominée par les inquiétudes économiques. D’une part, un sentiment par les personnes interrogées d’une dégradation de leur situation financière, passée et à venir, et d’autre part de la situation d’ensemble du pays. Les ménages Français semblent pour l’instant faire face. Leur appréciation de leur situation financière immédiate reste stable, les grands indicateurs du bien-être résistent ou, pour le volet émotionnel, rebondissent depuis leur niveau déprimé de mars. L’avenir reste cependant bien sombre, et les conséquences de l’inflation pourront acquérir un nouveau relief à la rentrée.

Juin 2022
Dimension

Réponse moyenne
(0 à 10)
Grandes dimensions**20212022
↗↘→
JuinMarsJuin
Satisfaction de vie→→6,66,56,6
Sens de la vie→→7,17,37,2
Bonheur↘↗7,36,77,0
Anxiété et dépression*→↗1,82,32,0
Santé→→6,96,96,8
Niveau de vie↘→6,76,66,5
Comparaison avec les autres→→6,66,66,6
Année dernière↗→5,96,16,2
Perception de l’avenir



Vie future (personnelle)↘↗6,15,65,8
Prochaine génération France→→4,04,03,9
Prochaine génération Europe↘→4,24,04,1
Proches et environnement



Relations avec les proches→→8,28,28,2
Gens sur qui compter→→7,77,77,6
Sentiment de sécurité→↗7,27,17,3
Travail et temps de vie



Satisfaction au travail→→7,27,27,1
Relations de travail→→7,07,27,0
Équilibre des temps de vie→↘6,06,26,0
Temps libre→→6,66,66,7

Tableau 1
Les flèches indiquent les améliorations ou dégradations par rapport au même mois l’année précédente. Les flèches grises indiquent que la variation n’est pas significative au seuil de 5 %.
* Pour l’anxiété, un score plus haut indique un niveau d’anxiété ou d’agression plus élevé
** La première flèche indique l’évolution par rapport à l’année précédente, la deuxième flèche l’évolution par rapport au trimestre précédent
  1. Insee, « En juin 2022, la confiance des ménages baisse de nouveau », Informations rapides, 169, 28 Juin 2022.
  2. J.-O. Hairault, F. Langot, F. Tripier, « Pouvoir d’achat : la France résiste mieux que ses voisins grâce au bouclier tarifaire », Observatoire Macro, Cepremap, juillet 2022.