Heurs et malheurs du confinement

Note
Observatoire du bien-ĂȘtre

Face Ă  l’épidĂ©mie de covid-19, le gouvernement français dĂ©cide de placer le pays en confinement strict du 15 mars au 11 mai 2020. Pour la plupart des Français, le confinement est arrivĂ© de maniĂšre inattendue, imposant de s’adapter trĂšs rapidement Ă  une situation complĂštement inĂ©dite, chamboulant leur vie quotidienne, familiale et professionnelle.

Les rĂ©sultats de l’enquĂȘte Conditions de vie et aspirations rĂ©alisĂ©e par le CrĂ©doc pendant le confinement, du 20 avril au 04 mai soulignent des vĂ©cus trĂšs diffĂ©renciĂ©s. Les jeunes ont vĂ©cu plus difficilement la pĂ©riode que leurs aĂźnĂ©s du fait de l’importance des liens sociaux dans leur constitution identitaire. Alors qu’en temps normal, les 15-24 ans sortent souvent de chez eux, notamment pour voir leurs amis, ils ont souffert de devoir y renoncer, malgrĂ© l’importance des liens sociaux dans leur constitution identitaire. Habitant souvent dans de petits espaces, ils ont vu leur vie rĂ©trĂ©cie entre quatre murs ou ont choisi pour certains de retourner vivre dans leurs familles, ce qui n’a pas Ă©tĂ© sans provoquer quelques tensions.

Les autres foyers habitant de petits logements, en liaison avec des ressources financiĂšres limitĂ©es (le logement Ă©tant le premier poste de dĂ©penses des Français), ont Ă©galement vĂ©cu difficilement la pĂ©riode. En revanche, au-delĂ  des diffĂ©rences d’habitat, l’effet des diffĂ©rences de revenus a Ă©tĂ© – temporairement – gommĂ© pendant la pĂ©riode.

Chez les actifs, la dĂ©couverte ou l’amplification du tĂ©lĂ©travail ont manifestement constituĂ© une bonne surprise pour les personnes qui y ont eu accĂšs, mais moins pour les personnes qui travaillaient habituellement Ă  distance avant le confinement, qui se sont trouvĂ©es plus perturbĂ©es dans leurs habitudes.

Le choc de la crise de la covid-19 a Ă©tĂ© tel que la plupart des Français ont revisitĂ© le regard qu’ils portaient sur leur vie, et réévaluent plus positivement ses diffĂ©rentes dimensions. Enfin, pour une partie importante de la population, le confinement a Ă©tĂ© une pause bien vĂ©cue, permettant de profiter davantage de ses proches, d’une vie calme et sĂ©curisante.

Dylan Alezra, Assistant de recherche Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap, dylan.alezra@cepremap.org

Sandra Hoibian, Directrice du pĂŽle Évaluation et sociĂ©tĂ© CrĂ©doc, hoibian@credoc.fr

Mathieu Perona, directeur exĂ©cutif de l’Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap, mathieu.perona@cepremap.org

Claudia Senik, Directrice scientifique de l’Observatoire du Bien-ĂȘtre du Cepremap Professeur Ă  l’UniversitĂ© Paris-Sorbonne et Ă  l’École d’économie de Paris, senik@pse.ens.fr

Cette note est le fruit d’une collaboration avec le CrĂ©doc. Elle est publiĂ©e simultanĂ©ment dans la collection des Notes de synthĂšse du CrĂ©doc : Dylan Alezra, Sandra Hoibian, Mathieu Perona, Claudia Senik, « Heurs et malheurs du confinement Â», CrĂ©doc, Note de synthĂšse no32, juillet 2020

Cinquante nuances de confinement

Dans notre enquĂȘte, Ă  la question : « À quel point le confinement est-il (a-t-il Ă©tĂ©) pĂ©nible Ă  vivre pour vous ? », les rĂ©pondants Ă©taient invitĂ©s Ă  se positionner sur une Ă©chelle de 0 (pas pĂ©nible du tout) Ă  10 (trĂšs pĂ©nible). Cette question fait apparaĂźtre des expĂ©riences trĂšs diffĂ©rentes. Pour un tiers de nos rĂ©pondants, le confinement n’a pas constituĂ© une pĂ©riode pĂ©nible du tout (rĂ©ponses 0 Ă  3). À l’autre extrĂ©mitĂ©, une personne sur cinq a trouvĂ© le confinement trĂšs pĂ©nible (rĂ©ponses 8 Ă  10), une petite moitiĂ© des rĂ©pondants se situant dans une situation intermĂ©diaire.

L’expĂ©rience du confinement a mĂȘlĂ© Ă  la fois chez les Français des dimensions nĂ©gatives et des dimensions positives. L’inquiĂ©tude pour les proches constitue le ressenti dominant, partagĂ© par prĂšs de trois quarts des rĂ©pondants.

À cette inquiĂ©tude s’ajoute le sentiment de manque de contacts sociaux. Les formes de sociabilitĂ© qui ont le plus manquĂ© aux rĂ©pondants sont les contacts avec la famille (citĂ©s en premiĂšre position par 47 % des rĂ©pondants, 19 % en deuxiĂšme position) et les amis (23 % en premiĂšre position, 35 % en deuxiĂšme), trĂšs loin devant les voisins ou les collĂšgues de travail.

L’interdiction de sortir de chez soi a engendrĂ© mĂ©caniquement une perte des contacts physiques avec la famille ou les proches hors du foyer. Avant le confinement, seuls 10 % des Français voyaient trĂšs rarement leurs proches (une rencontre par mois au plus)1, et 8 % disaient Ă©prouver souvent un sentiment de solitude2. Avec le confinement, cette proportion est passĂ©e Ă  18 % de notre Ă©chantillon, soit plus qu’un doublement, et plus du quart des rĂ©pondants ont indiquĂ© s’ĂȘtre sentis plus seuls que d’habitude. De mĂȘme, 12 % des rĂ©pondants ont eu l’impression de ne plus avoir personne vers qui se tourner, un dĂ©sarroi fortement associĂ© avec le sentiment de solitude.

Miroir de cette coupure des contacts physiques, 80 % des Français ont dĂ» composer avec la prĂ©sence constante d’autres personnes. 11 % de l’échantillon indiquent des tensions avec leurs compagnons de confinement (un chiffre comparable celui d’autres enquĂȘtes3).

Une période difficile pour les jeunes

Soulignant la gravitĂ© du contexte Ă©pidĂ©mique, diffĂ©rents travaux scientifiques ont montrĂ© que le confinement avait constituĂ© pour certains Français une pĂ©riode d’anxiĂ©tĂ©4, avec une multiplication des signes dĂ©pressifs durant le confinement5. On constate aussi des troubles du sommeil et des situations de dĂ©tresse psychologique6. Certains publics ont Ă©tĂ© particuliĂšrement affectĂ©s, au premier rang desquels les jeunes adultes et les mĂ©nages vivant dans les logements surpeuplĂ©s des banlieues modestes7. L’enquĂȘte Conditions de vie confirme, Ă  travers ses indicateurs, que les Ă©carts dans la perception du confinement sont particuliĂšrement contrastĂ©s entre gĂ©nĂ©rations.

Pour les plus jeunes, le confinement a Ă©tĂ© particuliĂšrement difficile. La tranche d’ñge des 15-24 ans comporte la plus forte part de ceux qui ont trouvĂ© le confinement trĂšs pĂ©nible (un peu moins d’un quart). Au-dessus de 25 ans, la part des personnes qui ont trouvĂ© le confinement trĂšs pĂ©nible est stable, aux alentours d’une personne sur cinq. Cette stratification par Ăąge a Ă©videmment partie liĂ©e avec la superficie disponible, les personnes plus ĂągĂ©es disposant en moyenne de plus d’espace. Une comparaison toutes choses Ă©gales par ailleurs montre qu’à superficie identique, l’effet de l’ñge sur l’opinion du confinement est trĂšs fort.

Au-delĂ  des questions de surface les jeunes sont ceux qui ont, habituellement, la sociabilitĂ© amicale et Ă  l’extĂ©rieur du domicile la plus dĂ©veloppĂ©e, dans une pĂ©riode oĂč cette sociabilitĂ© amicale est centrale dans la construction identitaire. 39 % des jeunes indiquent qu’ils se sont sentis plus seuls que d’habitude, un taux qui dĂ©croĂźt avec l’ñge et est en moyenne de 27 %. 25 % indiquent qu’ils ont eu du mal Ă  supporter les personnes avec lesquelles ils Ă©taient confinĂ©s contre 11 % en moyenne. La cohabitation n’a pas toujours Ă©tĂ© facile, d’autant que 12 % des moins de 25 ans sont repartis vivre temporairement chez un membre de leur famille (contre 3 % en moyenne). Les jeunes ont Ă©tĂ© plus nombreux Ă  rester cloĂźtrĂ©s chez eux : 39 % sont sortis moins d’une fois par semaine contre 29 % en moyenne et 44 % dĂ©clarent ainsi avoir rĂ©duit complĂštement les sorties du domicile contre 39 % en moyenne : Ă  quoi bon sortir lorsque toutes les activitĂ©s de loisirs et les espaces de sociabilitĂ© (Ă©coles, parcs, cafĂ©s) sont fermĂ©s et les interactions sociales prohibĂ©es ? 65 % des jeunes indiquent que les contacts avec leurs amis sont la forme de sociabilitĂ© qui leur ont le plus manquĂ© contre 53 % en moyenne.

Au-delĂ  des questions de lien social, les jeunes ont Ă©galement Ă©tĂ© touchĂ©s de plein fouet par l’arrĂȘt brutal de l’économie et en particulier la rĂ©duction des embauches, des stages et l’arrĂȘt de facto de l’économie informelle (petits jobs comme les babysittings, etc.). Plus souvent en CDD que leurs aĂźnĂ©s, ils ont Ă©tĂ© plus nombreux (20 %) Ă  ne pas voir renouveler un contrat de travail (8 % en moyenne). Signe de ces difficultĂ©s, les 15-24 ans ont Ă©tĂ© 43 % Ă  dĂ©clarer avoir souffert de maux de tĂȘte contre 33 % en moyenne, 32 % de nervositĂ© contre 25 % en moyenne.

Conditions matĂ©rielles : le vrai luxe, c’est l’espace

Dans nos prĂ©cĂ©dents travaux, nous avons soulignĂ© Ă  quel point les revenus contribuaient en France au bien-ĂȘtre subjectif8. Pour la satisfaction dans la vie, nous avons montrĂ© que les Ă©carts de bien ĂȘtre entre niveaux de diplĂŽmes s’expliquaient quasi-intĂ©gralement par des niveaux de salaire diffĂ©rents9. La pĂ©nibilitĂ© ressentie lors du confinement est Ă©galement liĂ©e aux revenus, mais indirectement, par le truchement du logement. Les prix de l’immobilier ayant connu une hausse spectaculaire au cours des vingt derniĂšres annĂ©es, le logement est devenu un nouveau marqueur du statut social et le premier poste de dĂ©penses des mĂ©nages10. Ainsi que le remarque l’Insee, les mĂ©nages aux niveaux de vie les plus faibles ont Ă©tĂ© plus affectĂ©s par les restrictions d’activitĂ© et ont trouvĂ© le confinement plus pĂ©nible11. Or, ce sont ceux qui logent dans les logements les plus petits. Une analyse « toutes choses Ă©gales par ailleurs Â» neutralisant diffĂ©rents effets croisĂ©s de l’ñge, du revenu, du diplĂŽme, de la catĂ©gorie d’agglomĂ©ration, etc. montre ainsi que la superficie du logement est le facteur le plus dĂ©terminant dans la pĂ©nibilitĂ© ressentie du confinement. Lorsque nous comparons des mĂ©nages aux logements similaires, l’effet des diffĂ©rences de revenu devient pratiquement insignifiant. En limitant certaines consommations, le confinement a ainsi neutralisĂ© des diffĂ©rences de revenu, mais mis en Ă©vidence les Ă©carts liĂ©s Ă  la superficie de la rĂ©sidence principale.

Nous avons ainsi rĂ©parti les mĂ©nages de notre enquĂȘte en cinq quintiles suivant la superficie disponible par membre du mĂ©nage. Un cinquiĂšme des rĂ©pondants ont disposĂ© de moins de 25 m2 par personne durant le confinement, tandis que le cinquiĂšme le mieux loti disposait de plus de 63 m2 par personne12. La part des personnes qui ont trouvĂ© le confinement peu pĂ©nible augmente clairement avec l’espace disponible, passant d’une personne sur quatre parmi les mĂ©nages les plus Ă  l’étroit Ă  40 % des rĂ©pondants pour les mĂ©nages disposant d’une surface entre 46 m2 et 63 m2 par personne. La proportion de personnes ayant trouvĂ© le confinement trĂšs pĂ©nible suit une trajectoire inverse, quoique moins prononcĂ©e.

En revanche, Ă  superficie comparable, habiter une maison ou un appartement, ou encore disposer de la prĂ©sence d’un balcon ou d’un jardin, ne semble avoir jouĂ© qu’un rĂŽle secondaire dans la pĂ©nibilitĂ© ressentie. D’autres travaux convergent pour montrer l’importance l’espace disponible13 et davantage que l’accĂšs Ă  un espace extĂ©rieur, l’accĂšs Ă  des espaces verts semble avoir Ă©tĂ© important14. Pour autant les projets de dĂ©mĂ©nagement, et le rĂȘve d’habiter en pavillon individuel, dans des espaces moins urbanisĂ©s est restĂ© complĂštement stable.

ConfinĂ©s, avec qui ?

La nĂ©cessitĂ© de s’occuper des enfants, et en particulier le suivi scolaire, a largement figurĂ© parmi les prĂ©occupations des Français pendant le confinement. Dans l’ensemble, les mĂ©nages avec enfants ont Ă©tĂ© un peu plus nombreux Ă  trouver la pĂ©riode trĂšs pĂ©nible. En miroir, les personnes seules ont plutĂŽt mieux vĂ©cu le confinement.

À situation Ă©conomique Ă©gale, par rapport aux personnes seules, les couples avec enfants ont une plus forte propension Ă  avoir souffert du confinement, tout comme ceux qui hĂ©bergent d’autres membres de leur famille, surtout parmi les couples chez lesquels la personne rĂ©pondant au sondage Ă©tait en emploi au moment de l’enquĂȘte.

À quelque chose malheur est bon

Mais tout n’a pas Ă©tĂ© sombre dans cette pĂ©riode oĂč l’extraordinaire est devenu la rĂšgle. Le choc de la crise de la covid-19 est tel que la plupart des Français ont revisitĂ© le regard qu’ils portaient sur leur vie, et rĂ©-Ă©valuĂ© plus positivement ses diffĂ©rentes dimensions. L’exemple du logement est frappant. Alors que chacun est contraint de rester confinĂ© entre quatre murs, les individus se disent qu’ils ne sont, finalement, pas si mal lotis. Ainsi le taux de satisfaction par rapport au cadre de vie entourant le logement progresse (+3 pts entre janvier et avril 2020), les charges financiĂšres de logement sont jugĂ©es plus supportables (+11 pts) compte tenu du « service » rendu, et la proportion de personnes jugeant la surface de leur logement habituel « suffisante pour leur famille » gagne Ă©galement +3 pts.

Sur le plan financier, les dĂ©penses « non essentielles », celles que l’on rĂ©alise pour «rester » dans le coup d’une sociĂ©tĂ© oĂč la consommation joue un rĂŽle symbolique et statutaire important, sont mĂ©caniquement freinĂ©es. Et alors que depuis quarante le sentiment de restriction liĂ© Ă  un manque de moyens financiers Ă©volue dans un couloir concernant entre 50 % et 60 % des consommateurs, le confinement marque une baisse brutale de celui-ci : 56 % des Français avaient le sentiment devoir renoncer Ă  des dĂ©penses faute d’argent en janvier, le taux chute Ă  35 % pendant le confinement soit moins 21 points.

Dans la mĂȘme veine, le sentiment de dĂ©classement marque le pas. Rappelons que la proportion de personnes se considĂ©rant « privilĂ©giĂ©es Â», « gens aisĂ©s Â» ou « classe moyenne supĂ©rieure Â» est passĂ©e de 40 % en 1999 Ă  27 % au dĂ©but 2020. Cette proportion remonte de 3 points. La tornade Ă©conomique, sanitaire est telle que l’on a davantage le sentiment d’appartenir au bon cĂŽtĂ© de l’échelle sociale. D’autres Ă©tudes montrent, dans la mĂȘme dynamique, que la part des personnes qui s’estiment en trĂšs bonne santĂ© a grimpĂ© Ă  25 % pendant le confinement, contre 19 % en 201915.

Au-delĂ  de cette réévaluation, le confinement a pu ĂȘtre apprĂ©ciĂ© pour diffĂ©rentes raisons. Si 11 % Ă©voquent des tensions avec les personnes avec lesquelles elles ont Ă©tĂ© confinĂ©es, 70 % disent avoir Ă©prouvĂ© du plaisir Ă  rester avec elles. Trois quarts de notre panel dĂ©clare aussi avoir apprĂ©ciĂ© la rĂ©duction du bruit et de la pollution liĂ©e Ă  l’arrĂȘt d’une partie de l’économie et la rĂ©duction drastique des transports. Passer du temps en famille, Ă©viter des temps de transports fatigants, profiter du calme et de la baisse des nuisances sonores, se sentir protĂ©gĂ© en restant chez soi et bĂ©nĂ©ficier de la sĂ©curitĂ© d’une protection sociale financiĂšre « garantie Â» (chĂŽmage partiel, soutien aux indĂ©pendants, etc.) a pu procurer une pause apprĂ©ciĂ©e par certains. L’enquĂȘte Conditions de vie rĂ©vĂšle ainsi une baisse inĂ©dite des maux psycho-sociaux suivis depuis quarante ans.

Par exemple, la proportion de personnes indiquant avoir souffert de maux de dos au cours des quatre derniĂšres semaines a chutĂ© de 13 points entre janvier et avril 2020, celle des personnes dĂ©clarant avoir souffert de maux de tĂȘte de 7 points. Le cocon du domicile a pu ainsi rassurer au niveau sanitaire par rapport aux risques de contamination, mais Ă©galement possiblement au niveau professionnel (stress, risque de perte d’emploi), ou sociĂ©tal (accidents de voiture, vols, agressions dans la rue qui, avec le confinement, ont chutĂ© brutalement).

L’écart ressenti par des personnes en situation de vulnĂ©rabilitĂ© (dĂ©crocheurs scolaires, chĂŽmeurs, personnes Ă  mobilitĂ© rĂ©duite, 
) s’est aussi- temporairement – rĂ©duit sous l’effet de la mise Ă  l’arrĂȘt de la sociĂ©tĂ©. Au total, plus de la moitiĂ© des personnes interrogĂ©es considĂšrent que le confinement a Ă©tĂ© une occasion de dĂ©couvrir une autre maniĂšre de vivre.

Le bouleversement du travail

Parmi les changements massifs, le confinement a reprĂ©sentĂ© un bouleversement de la vie professionnelle des personnes en emploi. Comme d’autres Ă©tudes, nous observons trois grandes situations d’importance semblable16. Un gros tiers des personnes en emploi avant le confinement a continuĂ© de se rendre sur son lieu de travail habituel. Les adaptations nĂ©cessaires au travail lui-mĂȘme ainsi que l’inquiĂ©tude quant au risque d’ĂȘtre contaminĂ© sur le lieu de travail expliquent sans doute que ces travailleurs aient Ă©tĂ© un peu plus nombreux que la moyenne Ă  trouver la situation trĂšs pĂ©nible.

Un autre tiers des personnes en emploi a arrĂȘtĂ© de travailler. Parmi ces 33 % de personnes en arrĂȘt de travail, 22 % le sont en raison d’un chĂŽmage partiel, et 11 % pour s’occuper de leurs enfants. Le ressenti de ces personnes quant Ă  la pĂ©nibilitĂ© du confinement correspond au ressenti moyen de la population dans son ensemble. Le dernier tiers de l’ensemble est formĂ© par les personnes qui ont travaillĂ© Ă  distance, et c’est au sein de ce groupe que nous observons les plus forts contrastes. Les personnes qui ne tĂ©lĂ©travaillaient pas avant le confinement et qui ont dĂ©couvert ce mode d’activitĂ© – un peu plus de la moitiĂ© des travailleurs Ă  distance, sont plus nombreux Ă  l’avoir trouvĂ© peu pĂ©nible. Le constat est similaire pour celles et ceux qui connaissaient dĂ©jĂ  un tĂ©lĂ©travail partiel, qui est devenu le mode de travail quotidien. Pour ces groupes, le passage au tĂ©lĂ©travail a reprĂ©sentĂ© un facteur positif, amĂ©liorant trĂšs significativement leur expĂ©rience du confinement par rapport au reste de la population. Cette amĂ©lioration est d’autant plus notable qu’il ne s’agissait pas lĂ  d’une situation normale de tĂ©lĂ©travail : il a souvent fallu composer avec la prĂ©sence inhabituelle des enfants et d’un conjoint pouvant lui aussi tĂ©lĂ©travailler et avec des outils informatiques qui n’étaient pas prĂ©vus pour un basculement complet en travail Ă  distance. Notons que ce ressenti a Ă©tĂ© ponctuel et pourrait ne pas ĂȘtre le mĂȘme Ă  long terme, notamment en lien avec les risques psychosociaux liĂ©s Ă  un possible affadissement du collectif.

À l’inverse, les personnes qui tĂ©lĂ©travaillaient dĂ©jĂ  avant le confinement ont plus mal vĂ©cu cette pĂ©riode. Il s’agit pour partie d’un effet d’ñge. Mais au-delĂ , habituĂ©s Ă  une situation de tĂ©lĂ©travail seuls dans leur domicile, sans prĂ©sence de tiers, leur quotidien a Ă©tĂ© bouleversĂ© : partage des outils numĂ©riques, des espaces communs, prĂ©sence des enfants inhabituelle, et ils ont possiblement Ă©tĂ© plus sensibles Ă  la fermeture des lieux de sociabilitĂ©s que les autres tĂ©lĂ©travailleurs.

À propos de l’enquĂȘte

Cette note a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e Ă  partir de l’enquĂȘte annuelle Conditions de vie et aspirations, dispositif existant depuis 1978. L’enquĂȘte a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en ligne auprĂšs d’un Ă©chantillon reprĂ©sentatif de la population ĂągĂ©e de 15 ans et plus, rĂ©sidente en France mĂ©tropolitaine, en Corse et dans les DOM. L’échantillon est structurĂ© de la façon suivante : Grande rĂ©gion (12 modalitĂ©s), Sexe, Age (5 modalitĂ©s), Profession – catĂ©gorie sociale (8 modalitĂ©s), Taille d’agglomĂ©ration (9 modalitĂ©s), Type de logement (individuel ou collectif). Les quotas sont dĂ©terminĂ©s Ă  partir des donnĂ©es du recensement de la population le plus rĂ©cent, redressĂ©es par les derniers rĂ©sultats disponibles de l’enquĂȘte Emploi et du bilan dĂ©mographique de l’Insee.

Une vague a Ă©tĂ© menĂ©e, en janvier 2020. À celle-ci a Ă©tĂ© ajoutĂ©e une vague exceptionnelle, dite « flash » a menĂ©e du 20 avril au 4 mai, 3 semaines aprĂšs le dĂ©but du confinement, et 8 jours avant le dĂ©but du dĂ©confinement, dans laquelle l’Observatoire du bien-ĂȘtre du Cepremap a insĂ©rĂ© des questions spĂ©cifiques.

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  3. Lambert, Anne, Joanie Cayouette-RembliĂšre, Élie GuĂ©raut, Catherine Bonvalet, Violaine Girard, Guillaume Le Roux, et Laetitia Langlois. « Logement, travail, voisinage et conditions de vie : ce que le confinement a changĂ© pour les Français Â». Note de synthĂšse COCONEL. Paris: INED, mai 2020.
  4. GandrĂ©, Coralie, Magali Coldefy, et Thierry Rochereau. « Les inĂ©galitĂ©s face au risque de dĂ©tresse psychologique pendant le confinement Â». Questions d’économie de la santĂ©, no 249 (juin 2020).
  5. Brouard, Sylvain, et Pavlos Vassilopoulos. « Les effets sanitaires invisibles Â». Note Attitudes on COVID-19 – A comparative study, SciencesPo CEVIPOF, no 5 (avril 2020).
  6. Consortium COCONEL. « Confinement – Impact santĂ© mentale Â». COronavirus et CONfinement : EnquĂȘte Longitudinale, Note de synthĂšse, Vague 2 (avril 2020).
  7. Consortium COCONEL. « Confinement – Conditions de vie Â». COronavirus et CONfinement : EnquĂȘte Longitudinale, Note de synthĂšse, Vague 1 (avril 2020).
  8. Algan, Yann, Elizabeth Beasley, Claudia Senik, Amory Gethin, Thanasak Jenmana, et Mathieu Perona. Les Français, le bonheur et l’argent. Opuscules du CEPREMAP 46. Paris, France : Éditions rue d’Ulm/Presses de l’École normale supĂ©rieure, 2018.
  9. Beasley, Elizabeth, Mathieu Perona, et Madeleine PĂ©ron. « DiplĂŽme, revenus et confiance Â». Note de l’Observatoire du Bien-ĂȘtre du CEPREMAP, no 2018‑06 (5 novembre 2018).
  10. BabĂšs, MĂ©lanie, RĂ©gis Bigot, et Sandra Hoibian. « Les dommages collatĂ©raux de la crise du logement sur les conditions de vie de la population Â». Cahier de recherche du CrĂ©doc, no 281 (dĂ©cembre 2011).
  11. Le niveau de vie est calculĂ© comme le revenu disponible du mĂ©nage, divisĂ© le nombre d’unitĂ©s de consommation du mĂ©nage (1 pour le premier adulte, 0,5 pour les autres personnes de plus que 14 ans, 0,3 pour les moins de 14 ans). Cela permet de mieux rendre comparer des mĂ©nages de revenus Ă©quivalents mais de composition diffĂ©rente.
  12. Il s’agit ici essentiellement de la rĂ©sidence principale. Dans notre Ă©chantillon, seuls 4 % des rĂ©pondants Ă©taient confinĂ©s ailleurs que dans leur domicile habituel.
  13. Safi, Mirna, Philippe Coulangeon, Olivier Godechot, Emanuele Ferragina, Emily Helmeid, Stefan Pauly, Ettore Recchi, Nicolas Sauger, et Jen Schradie. « La vie entre quatre murs : travail et sociabilitĂ© en temps de confinement Â». Zenodo, 22 mai 2020.
  14. Recchi, Ettore, Emanuele Ferragina, Emily Helmeid, Stephan Pauly, Mirna Safi, Nicolas Sauger, et Jen Schradie. « Confinement pour tous, Ă©preuve pour certains Les rĂ©sultats de la premiĂšre vague d’enquĂȘte du projet CoCo Â». Zenodo, 20 avril 2020.
  15. Ferragina, Emanuele, Carlo Barone, Emily Helmeid, Stefan Pauly, Ettore Recchi, Mirna Safi, Nicolas Sauger, et Jen Schradie. « Dans l’Ɠil du cyclone. La sociĂ©tĂ© française aprĂšs un mois de confinement Â». Zenodo, 4 mai 2020.
  16. Brouard, Sylvain. « Les Effets du coronavirus sur l’emploi et ses caractĂ©ristiques en France Â». Note Attitudes on COVID-19 – A comparative study, SciencesPo CEVIPOF, no 1 (avril 2020) : 4.