Note de l’Observatoire du Bien-être 2017-11 : Réduction du temps de travail et bien-être des travailleurs

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Article original : Anthony Lepinteur, “The shorter workweek and worker wellbeing: Evidence from Portugal and France”, PSE Working Papers n° 2016-21, 2016

Adaptation : Esther Raineau-Rispal et Mathieu Perona, Observatoire du Bien-être

Alors que le passage aux 35 heures en France fait, presque vingt ans après, l’objet d’un débat ardent quant à ses conséquences sur l’emploi, l’analyse en termes de bien-être vient fournir un éclairage complémentaire pour évaluer l’impact de cette loi sur la satisfaction au travail et hors du travail. C’est l’objet d’un article récent consacré à l’impact des réformes du temps de travail au Portugal et en France.

Utilisant le fait que les deux réformes comportaient des effets de seuil (selon la taille de l’entreprise en France, selon le temps de travail avant la réforme au Portugal), l’auteur est capable d’identifier l’impact sur le bien-être exercée par la réduction du temps de travail, en comparant l’évolution du bien-être des personnes concernées par la réduction à celui de personnes similaires non concernées.

Il en ressort que la satisfaction au travail et vis-à-vis du temps disponible ont progressé tant en France qu’au Portugal pour les personnes concernées. Cette progression est considérable puisqu’elle correspond à  ce qu’entraînerait une augmentation de salaire de 15% à 20% en un an. Comme la satisfaction vis-à-vis du salaire n’a pas changé, cet effet est directement attribuable à la diminution des heures travaillées.

Il faut toutefois noter que les effets sont contrastés en fonction des genres, des secteurs et des pays. Ainsi, on observe un effet positif de la réduction du temps de travail sur la satisfaction au travail, le temps libre et les conditions de travail des hommes français mais aucun effet chez les femmes françaises, et c’est pratiquement l’inverse au Portugal. De même, en France, l’impact est sensible sur les trois dimensions dans l’industrie, moins dans les services, alors qu’au Portugal on observe des effets dans les deux secteurs.

Tableau 2 : Impact par pays, genre et secteur

Satisfaction au travail Temps libre Conditions de travail

France

Homme
Femme
Industrie
Services

Portugal

Homme
Femme
Industrie
Services

Ces contrastes suggèrent que l’impact de la réduction du temps de travail sur le bien-être dépend fortement des conditions de mise en œuvre, ainsi que de l’environnement social. Ainsi, l’allocation du temps libre, en particulier le partage des tâches domestiques, joue un rôle majeur.

D’autres études ont ainsi mis en évidence des effets contrastés selon le type d’emploi occupé, les cadres ayant plus de marges de manœuvre pour adapter leur activité que les non-cadres. Elles ont aussi souligné les effets positifs de la réduction du temps de travail sur les personnes en travail partiel subi, ces dernières ayant pu augmenter leur nombre d’heures travaillées.

On voit que l’évaluation de la réforme du temps de travail constitue un chantier complexe, à multiples facettes, rendant d’autant plus bienvenu ce type d’analyse et la prise en compte des métriques de bien-être.