Note de l’Observatoire du Bien être n°2016-03 : Emploi et bien-être

L’emploi joue un rôle important dans l’économie et le tissu social.  Dans quelle mesure le travail contribue-t-il à la satisfaction et au bien-être ? Cette radiographie montre les grandes lignes de cette relation, selon la situation familiale et le genre, et explique comment la situation d’emploi contribue aux disparités de bien-être géographique en France. En France, avec un taux de chômage de plus de 10% pour l’ensemble de la population et de plus de 20% pour les jeunes, le rôle de l’emploi pour le bien-être est important. Le travail est à la fois une source de revenu, et un vecteur de sociabilité et de sentiment d’utilité sociale.  Pour mieux comprendre comment l’emploi est lié au bien-être, nous nous  appuyons dans cette Note bien-être sur l’enquête SRCV de 2013.

Auteur :

Laura Leker, assistante de recherche à l’Observatoire du Bien-être du CEPREMAP

Être au chômage est associé à de faibles niveaux de satisfaction dans tous les domaines

Les personnes en emploi reportent de plus hauts niveaux de satisfaction que les chômeurs dans tous les domaines de la vie. Le différentiel est maximal pour la vie en général.

graph 1_640x468

La moindre satisfaction des personnes qui sont au chômage ne se résume pas à une question de moindre revenu

En effet, à revenu égal, les chômeurs et les chômeuses déclarent des niveaux de satisfaction très inférieurs aux personnes en emploi (voir le graphique ci-dessous).  La moindre satisfaction des personnes qui sont au chômage ne se résume pas non plus à une question d’éducation : à diplôme égal, les niveaux de satisfaction reportés par les chômeurs sont beaucoup plus bas que ceux reportés par les personnes en emploi.

graph 2_640x468

Le différentiel de satisfaction entre personnes en emploi et chômeurs, malgré un revenu égal, peut venir d’un biais de sélection (les chômeurs peuvent avoir des caractéristiques inobservables qui font qu’il est à la fois plus probable pour eux d’être moins satisfaits, et d’être au chômage), ou encore d’autres explications. Au-delà des revenus qu’il apporte, le travail peut être vecteur de sociabilité, ou source de sentiment d’utilité sociale ou de réalisation de soi.

En contrôlant pour un grand nombre de caractéristiques individuelles, comme le revenu du ménage, l’âge, l’éducation, et la structure familiale, l’association fortement négative entre le chômage et la satisfaction de vie reste pour toutes les dimensions de vie (voir en Annexe les coefficients de la régression).

Les catégories « au chômage » et « en emploi » masquent des différences en termes de précarité et de relation avec la satisfaction

Parmi les chômeurs, les moins satisfaits en moyenne sont les chômeurs « longue durée », c’est-à-dire au chômage depuis plus d’un an. Ceux qui sont au chômage depuis moins d’un an se montrent moins insatisfaits, et ceux qui sont chômeurs « par périodes », i.e. qui ont alterné des périodes d’emploi et de chômage au cours des 18 derniers mois, sont plus satisfaits en moyenne. Il est possible que les uns se sentent « coincés » dans la situation de chômeur, tandis que les autres pourraient considérer – du fait de leur expérience passée – le chômage comme une période transitoire.

Parmi les personnes en emploi, celles en emploi stable reportent de bien plus hauts niveaux de satisfaction que celles qui ont connu des phases de chômage au cours des 18 derniers mois. Et parmi celles-ci, les personnes qui sont à nouveau en emploi depuis plus de 6 mois sont les plus satisfaites. La moindre satisfaction des personnes qui ont connu une période de chômage peut être liée à la précarité de leur nouvel emploi, par rapport aux personnes n’ayant pas connu de chômage, ou à la persistance d’insatisfaction postérieure à une expérience négative.

graph 3_640x468

Par ailleurs, au sein des personnes en emploi, celles qui ont les contrats les plus stables sont celles qui reportent des niveaux de satisfaction plus hauts, à la fois pour la vie en général et vis-à-vis du travail. Parmi les contrats précaires, on remarque que les intérimaires reportent des niveaux de satisfaction vis-à-vis du travail beaucoup plus bas que vis-à-vis de la vie en général. Pour les emplois aidés, qui sont des contrats d’au moins 6 mois (contrats uniques d’insertion CUI, contrats d’accompagnement dans l’emploi CAE, contrats initiative emploi CIE), c’est le contraire.

Graphique 5
Graphique 5

Le Nord : une région sinistrée avec le plus haut taux de chômage et de travailleurs découragés

Le fait d’être au chômage est donc associé à une satisfaction beaucoup plus faible. Le grand nombre de chômeurs dans la région du Nord pourrait expliquer le faible niveau de satisfaction moyen dans cette région – les habitants du Nord ont le plus faible niveau de satisfaction en France.

Graphique 6
Graphique 6

Mais est-ce que les gens du Nord sont moins satisfaits avec leur vie quelle que soit leur situation de vie, ou est-ce que la composition de la population et la surreprésentation de personnes sans emploi explique le faible niveau de satisfaction moyen du Nord ?

Au sein de chaque catégorie vis-à-vis de l’emploi, les habitants du Nord ne sont pas ceux qui reportent les plus bas niveaux de satisfaction (voir le graphique ci-dessous). Au contraire, les personnes en emploi de cette région reportent une satisfaction moyenne plutôt haute par rapport aux autres régions. Les étudiants, et même les chômeurs reportent des niveaux de satisfaction dans la moyenne de l’ensemble des régions. En revanche, les personnes retraitées ou au foyer reportent des niveaux de satisfaction beaucoup plus bas dans le Nord que dans les autres régions.

graph 4_800x600

Le pourcentage des gens du Nord au chômage est haut (11,5%) mais bas beaucoup plus haut que la Méditerranée (10,6%) ou l’Ile de France (10%). Une possibilité est que beaucoup de personnes des catégories « au foyer » ou « retraités » pourraient être en fait des travailleurs découragés.

Graphique 7
Graphique 7

La composition de la population en âge de travailler dans le Nord confirme cette hypothèse : les personnes au foyer (11,7%) sont beaucoup plus nombreuses que dans les autres régions (le plus proche est a 7,7%), et les chômeurs sont également plus nombreux. Un peu plus qu’un tiers des personnes en âge de travailler dans cette région ne sont pas en emploi, soit 6 à 11 points de pourcentage de plus que dans les autres régions.

Graphique 8
Graphique 8

Il semble donc que le très bas niveau de satisfaction reporté par les habitants du Nord est en partie dû à la composition de la population : les chômeurs et travailleurs découragés représentant une forte proportion de la population en âge de travailler.

Annexe

 tableau_regression

Retour