Revenu et bien-ĂŞtre

Note
Observatoire du bien-ĂŞtre

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L’argent fait-il le bonheur ? Dans cette Note nous examinons les grandes lignes de la relation entre niveau de vie et bien-ĂŞtre en utilisant les donnĂ©es d’une enquĂŞte annuelle de 14 000 habitants en France rĂ©alisĂ©e par l’INSEE (Dispositif SRCV[1]). Dans la dernière enquĂŞte disponible – l’enquĂŞte de 2013 –, Ă  la question « Sur une Ă©chelle de 0 Ă  10, indiquez votre satisfaction concernant la vie que vous menez actuellement Â»,  les sondĂ©s rĂ©pondent en moyenne 7.1.  Mais cette moyenne cache des disparitĂ©s. Les plus riches sont-ils les plus satisfaits ?

Une augmentation du niveau de revenus est positivement corrélée avec la satisfaction pour la vie en général, mais pas de la même façon pour les plus pauvres et les plus aisés, et pas dans la même mesure pour les différents domaines de la vie (loisirs, logement, relations sociales, travail). Monter dans l’échelle des revenus améliore réellement le bien-être des plus pauvres, mais, à partir d’un certain niveau de richesse, gagner encore plus apporte une augmentation de satisfaction beaucoup plus modeste. Et si avec plus d’argent on peut s’offrir un meilleur logement et de meilleurs loisirs, l’argent n’achète pas les relations sociales…

Auteur :

Laura Leker, assistante de recherche Ă  l’Observatoire du Bien-ĂŞtre du CEPREMAP

Une relation croissante, jusqu’Ă  un certain point

La relation entre satisfaction et revenu par unité de consommation (RUC) est croissante, mais à partir de 30 000 euros par an, la satisfaction stagne, et ne réaugmente légèrement que pour les plus aisés.

La satisfaction concernant la vie en gĂ©nĂ©ral croĂ®t avec le revenu par unitĂ© de consommation du mĂ©nage (RUC)[2], mais de moins en moins vite. Au-delĂ  du seuil de  30 000 euros par an, soit pour les 20% de mĂ©nages les plus aisĂ©s en France, la satisfaction stagne autour de 7,5. Seuls les 5% les plus riches (RUC supĂ©rieur Ă  50 000 euros par an) connaissent une nouvelle augmentation Ă  7,8.

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Mais le revenu n’a pas la mĂŞme importance pour les diffĂ©rentes dimensions de la vie.

  • Pour le logement, la satisfaction augmente de façon assez linĂ©aire avec le niveau de vie.
  • Les loisirs sont la dimension de vie dont le niveau de revenus est le plus discriminant. La satisfaction visĂ -vis des loisirs augmente fortement jusqu’à la tranche 25 000-30 000 euros, et au-delĂ , c’est-Ă -dire pour les 20% les plus aisĂ©s, continue Ă  augmenter, mais moins fortement.
  • Pour les relations, dont les Français sont le plus satisfaits, le niveau de vie est très peu discriminant – on n’observe une corrĂ©lation positive avec le RUC que pour les tranches infĂ©rieures Ă  15 000 – 20 000 euros, c’est-Ă -dire pour les 20% des mĂ©nages les moins aisĂ©s en France.

Revenu et emploi

Pour les individus qui travaillent, gagner plus est associé à une plus grande satisfaction pour les différents domaines de la vie, sauf pour les très hauts niveaux de salaires pour lesquels la satisfaction vis-à-vis des loisirs et des relations sociales décroît.

La relation croissante entre satisfaction et salaire net par an (voir la distribution) se retrouve pour la vie en gĂ©nĂ©ral, avec une moyenne Ă  7,0 pour les tranches de salaire les plus faibles, et Ă  nouveau une stagnation autour de 7,7 Ă  partir de 30 000 euros nets par an. Pour le logement, l’augmentation de la satisfaction en fonction du niveau de salaire est Ă  nouveau plus linĂ©aire, ainsi que pour le travail, bien qu’elle soit plus modeste.

satisfaction_emploi

En revanche, si les satisfactions pour les relations et les loisirs croissent jusqu’à 30 000 euros nets par an (faiblement pour les relations, de 7,8 Ă  8, plus fortement pour les loisirs, de 6,6 Ă  7,3), elles dĂ©croissent ensuite. Pour les relations avec les proches, les salaires les plus hauts correspondent Ă  la satisfaction la plus basse (7,5). Pour les loisirs, ceux qui reçoivent les plus hauts salaires ont un niveau de 7, comparable au niveau de ceux qui gagnent la moitiĂ©.

Âge

Pour notre satisfaction gĂ©nĂ©rale, la comparaison de notre niveau de revenu avec celui de nos pairs a peu d’importance quand on est jeune. Cependant, Ă  mesure que l’on avance en âge, notre position par rapport Ă  nos pairs dans l’échelle des revenus est de plus en plus corrĂ©lĂ©e Ă  notre niveau de bien-ĂŞtre, jusqu’aux âges de 50-60 ans. Cette corrĂ©lation diminue Ă  nouveau pour les âges avancĂ©s, au-delĂ  de 70 ans. Par ailleurs, la satisfaction diminue gĂ©nĂ©ralement avec l’âge.

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La satisfaction globale décroît avec l’âge, et d’autant plus vite que l’on appartient aux quintiles inférieurs de revenus par u.c. de son groupe d’âge, jusqu’à la tranche 50-60 ans. Faire partie des moins favorisés de son groupe d’âge est moins discriminant quand on est jeune. L’écart de satisfaction au sein des 20-30 ans est le plus faible alors qu’il est maximal pour les 50-60 ans. Le revenu par u.c. est à nouveau moins discriminant pour les âges avancés, d’une part car on observe une augmentation de la satisfaction des 60-70 ans qui se placent dans les quintiles inférieurs par rapport à leur groupe d’âge, et d’autre part, car la satisfaction baisse plus fortement entre la tranche 60-70 ans et 70 ans et plus pour ceux qui se placent dans quintile supérieur de leur groupe d’âge.

Genres

Les femmes sont moins satisfaites que les hommes concernant leurs loisirs, et le différentiel est plus important pour les ménages qui ont des enfants et des revenus bas, suggérant que cela provient d’une inégale répartition du travail domestique.

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La différence de satisfaction entre les hommes et femmes est négligeable pour la vie en général et ses différentes dimensions (voir les lignes bleues sur la Figure 4), à l’exception des loisirs, pour lesquels les femmes sont moins satisfaites que les hommes. Le différentiel entre hommes et femmes est plus important pour ceux qui ont des enfants à charge, et pour les bas revenus par unité de consommation (RUC).

On remarque que la satisfaction pour les loisirs est très proche de la satisfaction pour la vie en gĂ©nĂ©ral, et que les hommes et les femmes reportent des niveaux similaires pour ceux qui n’ont pas d’enfants (graphique de droite sur Figure 4). En revanche, la situation est très diffĂ©rente pour ceux qui ont des enfants. MĂŞme si leurs satisfactions de vie en gĂ©nĂ©ral restent assez proche (les lignes bleues sur le graphique de gauche), pour les RUC infĂ©rieurs Ă  la mĂ©diane (21 000 euros par an), les hommes gardent une satisfaction vis-Ă -vis des loisirs beaucoup plus haute (ligne jaune continue), mais les femmes ont une satisfaction vis-Ă -vis des loisirs nettement plus basse (ligne jaune discontinue).  Ă€ partir du RUC mĂ©dian, cette diffĂ©rence devient moins nette, car la satisfaction des hommes vis-Ă -vis des loisirs commence Ă  diminuer (relativement Ă  la satisfaction pour la vie en gĂ©nĂ©ral).

Régions

Fait-il bon vivre dans les rĂ©gions les plus riches ? Pas nĂ©cessairement. En particulier, l’Île-de-France, rĂ©gion de loin la plus aisĂ©e, a des niveaux de satisfaction moyens bas notamment pour le loisir ou le logement. Le Nord, dĂ©favorisĂ© Ă©conomiquement, a des niveaux de satisfaction très bas dans tous les domaines, sauf pour le travail. Pour toutes les autres rĂ©gions, on n’observe pas de nette corrĂ©lation entre RUC mĂ©dians et niveaux de satisfaction moyens.

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La rĂ©partition de la satisfaction sur le territoire français est assez peu corrĂ©lĂ©e avec la rĂ©partition du revenu par unitĂ© de consommation (RUC) des mĂ©nages. A l’exception de l’Île-de-France, on peut observer une relation croissante entre le RUC mĂ©dian par ZEAT (zone d’études et d’amĂ©nagement du territoire) et satisfaction en gĂ©nĂ©ral, mais cette relation ne se retrouve pas pour les diffĂ©rents domaines de la vie. A titre d’exemple, l’Est et la MĂ©diterranĂ©e ont un RUC mĂ©dian Ă©quivalent ; pourtant, la satisfaction pour les loisirs et les relations est bien plus Ă©levĂ©e dans l’Est, alors que les niveaux de satisfaction pour le logement et pour le travail sont bien plus Ă©levĂ©s en MĂ©diterranĂ©e.

Le Nord, la rĂ©gion la plus pauvre avec un RUC mĂ©dian des mĂ©nages autour de 19 300 euros, a un niveau de satisfaction beaucoup plus bas que les autres rĂ©gions. Ce « dĂ©crochage Â» par rapport aux autres rĂ©gions se retrouve pour tous les domaines de la vie, Ă  l’exception de la satisfaction vis-Ă -vis du travail pour laquelle le Nord se situe en troisième position derrière la MĂ©diterranĂ©e et l’Ouest.

L’Île-de-France qui est de loin la zone la plus riche (RUC mĂ©dian autour de 25 200 euros), a un niveau de satisfaction comparable au Bassin parisien, dont le RUC mĂ©dian est autour de 21 400 euros. L’Île-de-France a Ă©galement un bas niveau de satisfaction pour les loisirs, et bien plus encore pour le logement.

Notes

[1]En 2008, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a montrĂ© qu’il Ă©tait crucial pour s’orienter vers une meilleure comprĂ©hension de la performance Ă©conomique et du progrès social, de ne plus s’en tenir Ă  l’approche quantitative de croissance du PIB, mais de prendre en compte des mesures de bien-ĂŞtre subjectif des populations. En rĂ©ponse Ă  cette prĂ©conisation, une sĂ©rie de questions sur le bien-ĂŞtre a Ă©tĂ© introduite dès 2010 dans le questionnaire de l’enquĂŞte SRCV (Statistiques sur les revenus et conditions de vie dans l’Union europĂ©enne), volet français de l’enquĂŞte europĂ©enne EU-SILC.
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[2]
Le revenu par unitĂ© de consommation (RUC) est le revenu fiscal total d’un mĂ©nage, divisĂ© par le nombre d’unitĂ©s de consommation. Ce revenu fiscal inclut tous les transferts et allocations, nets d’impĂ´ts. Cette formulation permet de prendre en compte la taille et la composition du mĂ©nage dans l’analyse, mais n’est pas le mĂŞme que salaire par mois pour un individuel. Dans l’enquĂŞte utilisĂ©e, le graphique ci-dessous donne la distribution du RUC dans l’Ă©chantillon.

Distrubution RUC EU-SILC 2013

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[3]
Salaire distribution

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