Note de l’Observatoire du Bien-être n°2018-03 : Le Bien-être des Français – Mars 2018

Version PDF

Notre enquête de mars 2018 dresse un portrait contrasté du bien-être en France. On sait que de manière générale, les Français sont modérément satisfaits dans les grandes dimensions du bien-être subjectif (satisfaction dans la vie, sentiment que leur vie a un sens, bonheur, anxiété, santé ressentie) mais sont pessimistes pour leur avenir personnel et plus encore pour l’avenir collectif de la France et de l’Europe.

Pour autant, ils sont très satisfaits de leur environnement proche, qu’il s’agisse de liens sociaux, de sécurité personnelle ou d’exposition à l’agressivité. De même, leur travail et les relations qu’ils y entretiennent constituent des sources de satisfaction, de même que leur temps libre, même s’ils sont en moyenne moins satisfaits de l’équilibre travail/temps libre.

Si sur le moyen terme ces évaluations sont assez stables, on observe des évolutions d’un trimestre à l’autre, révélant une dimension conjoncturelle des réponses à ces questions, même celles qui s’ancrent dans une vision de long terme, comme la satisfaction de vie. Si ces variations ne sont pas d’ampleur suffisante pour modifier le positionnement de la France, entre des pays du nord de l’Europe en moyenne plus heureux et des pays du sud de l’Europe qui le sont moins, elles traduisent des mouvements significatifs dans l’opinion, tantôt sur l’ensemble des enquêtés, tantôt aux extrêmes.

Qu’est devenu le sursaut d’optimisme observé autour de l’élection d’Emmanuel Macron ? Si la confiance dans l’avenir a reflué et fluctué depuis l’élection, on observe que la part des pessimistes reste depuis l’élection inférieure à ce qu’elle était avant, tandis que la part des optimistes reste au-dessus de ses valeurs pré-élection.

Auteurs :

Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du Bien-être du Cepremap

Un portrait contrasté de la France

Les Français sont-ils heureux ? Les vingt questions de notre enquête trimestrielle révèlent qu’il n’y a pas de réponse unique, tant la réponse dépend de la dimension du bien-être subjectif considérée. C’est la raison pour laquelle nous ne proposons pas un indice du bonheur, mais un tableau de bord en ligne, dont nous présentons ici quelques éléments.

Sur les grandes dimensions du bien-être (Tableau 1), nous voyons qu’en moyenne les Français ne sont ni très heureux, ni très malheureux. Sur une échelle de 0 à 10, leur évaluation moyenne des grandes dimensions de leur bien-être gravite entre 6 et 7 (nous verrons plus loin comment cela peut se comparer à nos voisins européens).

Dimension

Réponse moyenne (0 à 10)

Satisfaction de vie

6,5

Sens de la vie

7,0

Bonheur

6,8

Anxiété et dépression

2,0

Santé

6,8

Niveau de vie

6,4

Comparaison avec les autres Français

6,5

Cette satisfaction modérée cohabite toutefois avec un pessimisme marqué (Tableau 2) dès qu’il s’agit de l’avenir, phénomène désigné sous le terme de « paradoxe français ».

Non seulement les Français estiment en moyenne que leur propre vie future sera moins bonne que leur vie actuelle, mais ils estiment que la vie de la prochaine génération en France sera pire que celle d’aujourd’hui. La réponse est similaire lorsque la question porte sur les autres pays d’Europe. Une vision plus fine montre qu’il s’agit de perception partagée entre toutes les générations : les jeunes ne sont pas significativement plus optimistes que leurs aînés, et une part significative de la population (entre 30 % et 40 % selon les trimestres) est très pessimiste, répondant entre 0 et 3 à ces questions.

Dimension

Réponse moyenne (0 à 10)

Vie future (personnelle)

5,9

Prochaine génération France

4,2

Prochaine génération Europe

4,5

Ce pessimisme quant à l’avenir du pays contraste avec le haut niveau de satisfaction des enquêtés vis-à-vis de leurs proches et de leur environnement immédiat (Tableau 3). Les relations avec les proches sont généralement jugées satisfaisantes, la moyenne à 8 reflétant une très faible proportion de personnes peu satisfaites, et 80 % des répondants qui attribuent à leurs relations un score entre 7 et 10. Le même phénomène s’observe sur le sentiment d’avoir des personnes sur qui compter : deux tiers des enquêtés ont le sentiment de pouvoir s’appuyer sur leurs proches et leurs relations en cas de difficultés (scores 7 à 10).

De même le sentiment de sécurité dans son quartier est élevé, en moyenne, mais avec un contraste fort entre femmes et hommes : là où 80 % des hommes se sentent en sécurité (7 à 10), seules 60 % des femmes apportent la même réponse. Pour autant, le sentiment d’avoir été l’objet d’une fortement attitude agressive la veille est très faible, concernant moins de 10 % des enquêtés, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes.

Dimension

Réponse moyenne (0 à 10)

Relations avec les proches

8,0

Gens sur qui compter

7,4

Sentiment de sécurité

7,1

Agression ressentie (hors famille)

1,5

Quatrième dimension importante du bien-être subjectif, le travail est plutôt un élément positif pour les personnes occupant un emploi (nous ne posons pas ces questions aux personnes sans emploi). Les enquêtés sont assez satisfaits de leur travail et des relations qu’ils ont avec leurs collègues de travail. (Tableau 4). Cette satisfaction est dans nos données liée au fait même d’occuper un emploi : nous ne constatons pas de différences significatives dans les réponses à ces questions selon le niveau de diplôme ou le niveau de revenu.

Dimension

Réponse moyenne
(0 à 10)

Satisfaction au travail

7,0

Relations de travail

6,9

Équilibre des temps de vie

5,9

Temps libre

6,5

L’équilibre des temps de vie constitue un point moins satisfaisant, pour les hommes comme pour les femmes, ces dernières se disant marginalement plus satisfaites. Les enquêtés sont en revanche assez satisfaits du contenu de leurs loisirs eux-mêmes.

Une dimension conjoncturelle

Avec ses vingt questions, notre enquête trimestrielle permet ainsi une vision détaillée des composantes du bien-être en France. Elle montre également que la conjoncture influence cette perception. Considérons la question sur la satisfaction de vie :

« Sur une échelle de 0 à 10, dans l’ensemble, dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la vie que vous menez actuellement ? »

La réponse demande un retour sur soi, une évaluation de ce que nous attendions de notre vie et de ce que nous en avons fait. Elle possède donc une forte dimension cognitive et réflexive, avec une perspective de long terme. Pour autant, nous observons des variations significatives de trimestre en trimestre (Figure 1).

Figure 1 : Moyenne de la satisfaction de vie en France

On remarque en particulier le pic de juin 2017, qui a coïncidé avec les élections présidentielles et législatives (lire notre note à ce sujet). Cet effet des élections est logiquement encore plus marqué sur les réponses aux questions ayant trait à l’avenir (Figure 2).

Figure 2 : Moyenne pour la question sur la prochaine génération en France

Ces deux courbes évoluent parallèlement, ce qui suggère qu’un élément conjoncturel commun affecte à la fois l’évaluation que les enquêtés font de leur vie et leur degré d’optimisme vis-à-vis de l’avenir. Toutefois, la perception de l’avenir en France semble suivre une tendance à l’amélioration depuis le début de notre enquête, ce qui est beaucoup moins clair en ce qui concerne la satisfaction de vie.

Les mouvements et les tendances

Comment analyser ces mouvements conjoncturels ? Entre mars et juin 2017, on observe un décalage général vers des scores plus élevés à la question sur la satisfaction de vie (Figure 3), avec le mouvement inverse entre juin et septembre.

Figure 3: Décomposition des réponses à la question sur la satisfaction de vie

Par contraste, la baisse enregistrée entre décembre 2017 et mars 2018 procède d’une augmentation de la proportion des peu satisfaits (0 à 5) d’une part, et d’autre part d’une érosion des réponses à 8 au profit de la part des réponses 7.

Figure 4: Décomposition des réponses sur la situation de la prochaine génération en France

Sur la vision de l’avenir, l’élection de 2017 semble avoir correspondu avec une modification structurelle en faveur d’une vision plus positive de l’avenir (Figure 4). D’un côté, la proportion des très pessimistes (réponses 0 à 3) semble s’établir sur les trois trimestres post-élection à un niveau inférieur à celui des trimestres précédant l’élection. De l’autre côté, la part des optimistes (réponses 6 à 10) demeure au-dessus de son niveau pré-électoral.

La France, l’Europe et le Monde

Comment la France se positionne-t-elle dans le monde ? La plupart des comparaisons internationales reposent sur la question de la satisfaction de vie. Avec une moyenne des réponses à 6,6 à cette question, la France se situe dans la partie supérieure du classement mondial (Figure 5).

Figure 5 : La satisfaction de vie dans le monde.
Source : World Happiness Report 2017

En Europe, elle se positionne en milieu de tableau, entre des pays du nord plutôt plus satisfaits et des pays du sud et de l’est, moins satisfaits (Figure 6).

Figure 6 : La satisfaction de vie en Europe.
Source : World Happiness Report 2017

Les variations conjoncturelles que nous avons observées plus haut ne sont pas de nature à affecter significativement le positionnement de la France par rapport à nous principaux voisins. L’ampleur de ces variations (0,25 points d’écart entre le plus bas et le plus haut) correspond tout de même à la moitié de ce qui nous sépare de l’Allemagne d’un côté et de l’Espagne ou l’Italie de l’autre.

Si vous souhaitez poursuivre plus loin l’exploration des différences entre pays, nous vous invitons à consulter les pages du Better Life Index de l’OCDE, ainsi que la page Bonheur et satisfaction du site Our World in Data, dont nous extrayons la carte dynamique ci-dessous.