Philippe Askenazy, coordinateur puis directeur adjoint du Cepremap 2005-2015, retrace pour nous le choix en 2004 d’un nouveau projet pour le Cepremap.
Le CEPREMAP, Centre d’Ă©tudes prospectives et de recherches en Ă©conomie mathĂ©matique appliquĂ©es Ă la planification, avait Ă©tĂ© créé sous l’égide du Commissariat GĂ©nĂ©ral au Plan, auquel il apportait son expertise. Sa structure Ă©tait devenue particulièrement originale.
D’un côté, l’association Cepremap chapeau fournissait locaux, moyens humains et financier et assurait un lien permanent avec le Plan. D’un autre côté, le Cepremap accueillait dans ses locaux de la rue du Chevaleret deux URA (Unité de recherche associée) du CNRS et leurs contingents de chercheurs. Le tout avait fait été une pierre angulaire de la recherche française pour prendre les terminologies d’aujourd’hui tant « mainstream » qu’« hétérodoxe ». L’École française de la Régulation s’est ainsi en grande partie forgée au Cepremap. Mais la séparation étant en pratique artificielle, beaucoup de membres des deux URA collaborant entre eux pour de riches recherches théoriques et appliquées, tout particulièrement pour porter les modèles macroéconomiques ainsi que les infrastructures associées dont Dynare.
En 2004, le Cepremap se trouvait cependant dans l’obligation de se refonder. Le Commissariat GĂ©nĂ©ral au Plan Ă©tait condamnĂ© et devait devenir en 2006, le Centre d’analyse stratĂ©gique (devenu en 2013 France StratĂ©gie avant de fusionner en 2025… avec le Haut-Commissariat au Plan créé en 2020). Et surtout, le CNRS avait abandonnĂ© le format des URA pour ne retenir que des UnitĂ©s Mixtes de Recherche. Les deux URA fusionnaient avec le Delta hĂ©bergĂ© Ă l’École Normale SupĂ©rieure pour donner naissance Ă l’UMR Paris-Jourdan Sciences Economiques.
Deux projets très différents pour un nouveau Cepremap étaient portés par deux personnalités majeures. Thomas Piketty proposait de mobiliser les moyens du Cepremap pour commencer à bâtir une structure académique de dimension mondiale du type de l’École d’économie de Paris (dont les fondations seront ultérieurement assurées en 2006 avec l’appui du gouvernement De Villepin).
Daniel Cohen souhaitait lui s’appuyer sur les héritages du Cepremap : sa bibliothèque, ses personnels, son héritage scientifique, son rôle de pont entre recherche académique et décision publique et son expertise dans les modèles DSGE autour de Dynare. Ce projet assurait une transition douce pour les personnels, une politique bi-sites en attendant une localisation unique sur Jourdan, dont la fusion des bibliothèques. Il proposait un mix de tutelles académiques et de tutelles de l’administration économique ainsi que la Banque de France. Un éventail de programmes de recherche en lien avec la décision publique déploierait la diffusion des travaux à travers notamment des conférences et une série d’ouvrages qui s’appellera in fine « les Opuscules du Cepremap ». L’équipe Dynare serait soutenue pour assoir sa prééminence dans l’expertise des modèles DSGE pour de nombreuses administrations, banques centrales et organisations internationales.
Plus en phase avec les personnels et les attentes des partenaires historiques du Cepremap, le projet de Daniel Cohen a été retenu. Il ne manquait qu’un nouveau nom pour incarner son projet tout en conservant l’acronyme — toujours par volonté de conserver l’héritage — : Le Centre pour la recherche en économie et ses applications.