Les jeunes de nos jours

Note
Observatoire du bien-ĂŞtre

L’idée que les jeunes – catégorie souvent définie de manière floue – ont un rapport différent, plus distancié, au travail fait partie de ces idées aussi communes dans le discours ambiant que difficiles à rattacher à une source précise et fiable. Grâce à une enquête Opinion Way pour le compte de Kéa sur les représentations du travail des 16-45 ans, nous montrons au contraire une grande homogénéité tant dans la relation au travail que dans les priorités données au salaire et aux conditions de travail par rapport à l’autonomie ou à l’impact sur la société.

Mathieu Perona, Observatoire du Bien-ĂŞtre du Cepremap

Publié le 10 Octobre 2024

Connaître les priorités au travail des jeunes

Dans le monde de l’entreprise, on entend souvent des analyses postulant des diffĂ©rences gĂ©nĂ©rationnelles profondes dans le rapport au travail : des Boomers (nĂ©es entre 1943 et 1960) très engagĂ©s et loyaux Ă  leur entreprise, une GĂ©nĂ©ration X (nĂ©e entre 1961 et 1980) cherchant des revenus Ă©levĂ©s et une stabilitĂ© de l’emploi, des Millenials (nĂ©s dans les annĂ©es 1980) privilĂ©giant leur qualitĂ© de vie, et une GĂ©nĂ©ration Z prĂ©occupĂ©e par les dĂ©fis de sociĂ©tĂ©, Ă  commencer par le dĂ©règlement climatique. L’intervention remarquĂ©e d’étudiants d’Agro ParisTech lors de la cĂ©rĂ©monie de remise des diplĂ´mes1 a Ă©tĂ© perçue comme le signe des aspirations de ces jeunes actifs, en opposition Ă  des gĂ©nĂ©rations antĂ©rieures rĂ©putĂ©es attentives d’abord au salaire et Ă  l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Pour confronter ces reprĂ©sentations Ă  la rĂ©alitĂ©, le cabinet KĂ©a et OpinionWay ont menĂ© une enquĂŞte approfondie sur les aspirations et prioritĂ©s des jeunes dans leur rapport au travail2. Notre analyse des donnĂ©es recueillies vient bousculer nombre d’idĂ©es reçues, rĂ©vĂ©lant une remarquable continuitĂ© dans les aspirations professionnelles Ă  travers les gĂ©nĂ©rations.

Des jeunes engagés dans leur travail

De nombreux articles se sont fait l’écho du Gallup Global Workplace Report 20243, qui indiquait que seuls 7 % des salariĂ©s français Ă©taient engagĂ©s dans leur travail, alimentant un discours sur la perte de la valeur travail, en particulier chez les jeunes. L’enquĂŞte sur laquelle nous nous appuyons restitue une image profondĂ©ment diffĂ©rente : plus d’un tiers des rĂ©pondants salariĂ©s se disent « tout-Ă -fait engagĂ©s Â» dans leur travail (voir l’encadrĂ© pour une explication de l’écart entre ces deux mesures), et la moitiĂ© rĂ©pondent « Oui, plutĂ´t Â», avec des proportions similaires pour les trois callses d’âge de cette Ă©tude.

Ainsi que le montre la Figure 1, les niveaux de fort engagement sont relativement similaires d’une catĂ©gorie socio-professionnelle Ă  l’autre. Le contraste le plus marquĂ© sur le graphique est entre les plus jeunes cadres et les cadres en milieu de carrière, les premiers Ă©tant les moins nombreux Ă  se dire très engagĂ©s, et les seconds les plus nombreux. Cet Ă©cart peut ne reflĂ©ter qu’une dynamique de carrière spĂ©cifique aux mĂ©tiers d’encadrement : dans beaucoup d’entreprises et d’administrations, les jeunes cadres n’ont en pratique peu ou pas de fonction d’encadrement, avec des postes mobilisant essentiellement leur expertise, mais une marge de manĹ“uvre limitĂ©e. Ce n’est qu’à partir du deuxième ou du troisième poste de beaucoup obtiennent le niveau de responsabilitĂ© et d’autonomie couramment associĂ© avec le statut de cadre.

EncadrĂ© : mesurer l’engagement

Pour son Global Workplace Report, l’institut Gallup mesure l’engagement en agrĂ©geant, selon une formule tenue secrète, les rĂ©ponses Ă  douze questions, allant de « Je sais ce qui est attendu de moi au travail Â» Ă  « Mon meilleur ami est un collègue de travail Â». La dĂ©finition implicite de l’engagement est ainsi de disposer de l’ensemble des conditions associĂ©es Ă  un plein Ă©panouissement professionnel, y compris un encadrement et des collègues qui font de cet Ă©panouissement une prioritĂ©. Ă€ ce titre, le faible degrĂ© d’engagement reflète probablement plus le mauvais Ă©tat des relations sociales dans les entreprises françaises4 (dans l’EnquĂŞte EuropĂ©enne sur les Conditions de Travail, la France rĂ©colte un des plus bas scores sur la qualitĂ© de l’encadrement), qu’un dĂ©faut individuel d’enthousiasme au travail. De fait, les rĂ©sultats de la prĂ©sente enquĂŞte montrent que les salariĂ©s interrogĂ©s se sentent majoritairement engagĂ©s, malgrĂ© cet environnement de travail peu favorable.

Une apprĂ©ciation claire des prioritĂ©s : d’abord, le salaire

Le discours sur les gĂ©nĂ©rations repose sur l’idĂ©e d’aspirations diffĂ©renciĂ©es. Afin de tester cette reprĂ©sentation, l’enquĂŞte a placĂ© les rĂ©pondants en face de choix : parmi sept caractĂ©ristiques de l’emploi, les rĂ©pondants ont dĂ» choisir, pour chaque paire, celle qu’ils estimaient la plus importante : plus de salaire ou plus de flexibilitĂ© horaire ? De meilleures conditions de travail ou plus de visibilitĂ© dans l’entreprise ?, etc. Cette expĂ©rience de choix donne un ordre de prĂ©fĂ©rence moyen clair. Les rĂ©pondants veulent, par ordre de prioritĂ© dĂ©croissant :

  1. Plus de salaire
  2. De meilleures conditions de travail
  3. Plus de flexibilité horaire
  4. Une meilleure ambiance au travail
  5. Plus d’autonomie
  6. Plus d’impact sur la société
  7. Plus de visibilité dans l’entreprise

Les prĂ©fĂ©rences ainsi exprimĂ©es sont en outre cohĂ©rentes entre elles : si une majoritĂ© des rĂ©pondants dit prĂ©fĂ©rer de meilleures conditions de travail Ă  plus d’autonomie, et prĂ©fĂ©rer plus de salaire Ă  de meilleures conditions de travail, alors une majoritĂ© dit aussi prĂ©fĂ©rer plus de salaire Ă  plus d’autonomie (Figure 2).

En termes d’intensité des préférences relatives, on peut distinguer quatre groupes. La visibilité dans l’entreprise et l’impact sur la société sont les dimensions les moins souvent choisies. Elles sont massivement délaissées au profit des autres possibilités. Un supplément d’autonomie occupe une place intermédiaire, dominant largement la visibilité ou l’impact, mais significativement derrière les autres options.

Une meilleure ambiance au travail, plus de flexibilité horaire, de meilleures conditions de travail et plus de salaire constituent des dimensions plus proches les unes des autres, et enfin un supplément de salaire domine toutes les autres propositions.

La faible appétence pour une plus forte visibilité dans l’entreprise constitue peut-être le signe le plus fort d’une rupture avec les codes habituels du travail salarié. En effet, prendre en charge des projets visibles sans compensation immédiate a longtemps constitué un élément de la carrière, au travers de l’élargissement des possibilités de promotion interne. Cet élément arrivant en dernier dans cette enquête, on peut penser que la promesse implicite associée à la visibilité n’est plus jugée crédible ou intéressante, les promotions se faisant désormais sur d’autres critères, ou au travers de changement d’entreprise.

De l’autre côté de l’ordre des priorités, l’importance donnée au salaire ne traduit pas nécessairement une orientation purement matérialiste, voire consumériste, de ces générations. Ainsi que nous l’avons montré dans Les Français, le bonheur et l’argent5, l’importance que les Français attachent au revenu procède moins d’une satisfaction à étaler sa richesse que de la protection – peu visible aux autres – contre les aléas de la vie qu’assure un salaire confortable. Ce motif a de nombreuses raisons d’être très présent dans des générations plus marquées par l’instabilité professionnelle en début de carrière et un accès difficile à l’immobilier.

Un large accord entre générations sur les priorités

Cet ordre de prioritĂ© moyen est-il le mĂŞme chez les plus jeunes ? Dans l’ensemble oui, avec quelques contrastes limitĂ©s (Figure 3, haut).

Les 16-24 ans – pour qui ces questions sont plus thĂ©oriques, la moitiĂ© Ă©tant encore en cours d’études – affichent une prĂ©fĂ©rence un peu moins marquĂ©e pour le salaire : compte tenu des marges d’erreur de l’enquĂŞte, ils sont essentiellement autant Ă  opter pour plus de salaires que pour de meilleures conditions de travail lorsqu’il faut choisir entre les deux. Ils se distinguent des plus âgĂ©s surtout par la forte prioritĂ© donnĂ©e aux conditions de travail sur la flexibilitĂ© horaire, et Ă  l’ambiance de travail sur l’autonomie.

Parmi les 35 Ă  45 ans, qui arrivent vers le milieu de leur vie professionnelle,c’est au contraire la flexibilitĂ© horaire qui vient avant les conditions de travail, avec une marge similaire mais en sens inverse des plus jeunes (60 % prĂ©fèrent plus de flexibilitĂ© Ă  de meilleures conditions de travail), et l’autonomie Ă  l’ambiance de travail.

Inversement, la montée en compétence et en responsabilité peut expliquer l’intérêt pour l’autonomie. Il faut souligner que cette explication par le cycle de vie repose sur l’hypothèse, à notre sens confirmée par cette étude, que les générations successives sont globalement similaires dans leurs priorités et leurs aspirations fondamentales.

Des préférences partagées par tous les salariés

De mĂŞme que les gĂ©nĂ©rations de l’enquĂŞte sont assez similaires dans leurs prĂ©fĂ©rences, les salariĂ©s classent globalement les sept options dans le mĂŞme ordre, quelle que soit leur position dans l’entreprise ou l’administration (Figure 3, bas). Dans tous les cas, le salaire vient clairement en premier. La prĂ©fĂ©rence pour le salaire sur les autres dimensions est particulièrement forte chez les ouvriers, et dans une moindre mesure au sein des professions intermĂ©diaires.

Ainsi 72 % des ouvriers prĂ©fèrent plus de salaire Ă  plus de flexibilitĂ© horaire contre 58 % des cadres, soit une diffĂ©rence de 14 points. Les cadres constituent la seule catĂ©gorie Ă  mettre – de peu – plus de flexibilitĂ© horaire devant de meilleures conditions de travail. Nous avons donc au final une grande homogĂ©nĂ©itĂ© dans les prioritĂ©s, qui traverse largement les classes sociales, malgrĂ© des conditions d’emploi sensiblement diffĂ©rentes.

Des choix partiellement genrés

Dans l’ensemble, la hiĂ©rarchie des prioritĂ© est le mĂŞme chez les hommes que chez les femmes : nous n’observons pas de renversement significatif dans l’ordre des choix (Figure 4). En revanche, l’intensitĂ© des prĂ©fĂ©rences diffère. Les hommes ont une assez nette prĂ©fĂ©rence pour le salaire sur les conditions de travail, alors que les femmes Ă©valuent Ă  Ă©galitĂ© ces deux critères. Plus gĂ©nĂ©ralement, la prĂ©fĂ©rence des hommes pour le salaire par rapport aux autres aspects est plus marquĂ©e que chez les femmes.

Figure 4. Lecture : 60 % des femmes interrogĂ©es prĂ©fèrent de meilleures conditions de travail Ă  plus de flexibilitĂ© horaire

Des préférences comparables dans le public et le privé

Les salariĂ©s du secteur public (fonctionnaires et assimilĂ©s, salariĂ©s d’entreprises publiques) expriment le mĂŞme ordre de prĂ©fĂ©rence que l’ensemble des salariĂ©s, donc que les salariĂ©s du privĂ© (Figure 5). Non seulement l’ordre est le mĂŞme, mais l’intensitĂ© des prĂ©fĂ©rences moyennes – dans quelle proportion, par exemple, plus de salaire est prĂ©fĂ©rĂ© Ă  de meilleures conditions de travail – est similaire entre public est privĂ©.


Figure 5. Lecture : parmi les salariĂ©s du secteur public, 56 % prĂ©fèrent plus de salaire Ă  de meilleures conditions de travail De la mĂŞme manière, tant l’ordre que l’intensitĂ© des prĂ©fĂ©rences restent similaires si on considère des groupes dĂ©finis par la satisfaction quant Ă  leur vie actuelle ou le sentiment de sens dans ce qu’ils font.

Ainsi, les préférences exprimées tant par les jeunes en formation que par leurs aînés, jusqu’à 45 ans, sont remarquablement cohérentes entre elles, quels que soit la génération, la position sociale ou le secteur d’activité. Le salaire arrive nettement en tête des priorités, suivi par un groupe formé des conditions de travail, de la flexibilité horaire et de l’ambiance, qui font pratiquement jeu égal entre elles. L’autonomie ne vient qu’ensuite, tout en étant nettement préférée à plus d’impact sur la société ou plus de visibilité – ce dernier point n’intéressant qu’une faible part des répondants.

Salaire et flexibilité en tête des critères de réussite professionnelle

Même posés de manière un peu abstraite, les choix ainsi réalisés peuvent refléter les contraintes de la situation des personnes – par exemple la difficulté à acheter un logement – plutôt que leurs aspirations dans la vie professionnelle. C’est pourquoi l’enquête demande également aux répondants quels sont leurs principaux critères de réussite professionnelle.

En ligne avec les arbitrages vus prĂ©cĂ©demment, le salaire constitue le critère le plus souvent citĂ© en premier, devant l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, chacune de ces options Ă©tant citĂ©e en premier dans 20 % Ă  25 % des cas. Les autres critères proposĂ©s viennent assez nettement derrière, avec un niveau de citation comme premièr critère un peu au-dessous de 10 % des rĂ©ponses : le poste occupĂ©, la libertĂ© d’action, le secteur d’activitĂ© et l’impact du mĂ©tier exercĂ© au quotidien – avec assez peu de diffĂ©rence entre les situations.

En ligne avec l’expĂ©rience de choix, les femmes citent Ă  Ă©galitĂ© le salaire et l’équilibre des temps de vie comme premier critère de rĂ©ussite (25 % pour chacun), tandis que 31 % des hommes citent en premier le salaire, et 18 % l’équilibre. Les autres critères sont citĂ©s en premier dans des proportions similaires par les femmes et par les hommes.

Si on distingue les choix selon les situations professionnelles, l’ordre de prioritĂ© entre salaire et Ă©quilibre des temps de vie diffère plus que dans les expĂ©riences de choix (Figure 6) : l’équilibre des temps de vie est plus souvent citĂ© que le salaire parmi les salariĂ©s du public, la prĂ©fĂ©rence pour la rĂ©munĂ©ration Ă©tant plus forte pour le secteur privĂ©. La similaritĂ© des choix entre les personnes en Ă©tudes et celles dĂ©jĂ  en emploi vient renforcer l’idĂ©e d’une continuitĂ© entre les gĂ©nĂ©rations, au rebours de l’idĂ©e d’une fracture gĂ©nĂ©rationnelle.

Un groupe professionnel se distingue toutefois nettement, celui des indépendants. Pour ceux-ci, tant le salaire que l’équilibre des temps de vie est nettement moins souvent cité comme critère de réussite, leur premier choix étant la liberté d’action et de décision. Cette préférence fait apparaître l’indépendance comme un choix, guidé par une conception de la réussite professionnelle mettant beaucoup plus l’accent sur l’autonomie.

Une conception de la réussite socialement marquée

Sous l’angle des grandes catĂ©gories socio-professionnelles (CSP), on retrouve un constat similaire : une large homogĂ©nĂ©itĂ© d’ensemble dans les critères de rĂ©ussite citĂ©s, mais avec des contrastes plus marquĂ©s dans le classement prĂ©cis (Figure 7).

Ainsi, le salaire est nettement plus souvent citĂ© en premier par les ouvriers (un tiers d’entre eux) que par les cadres et professions intermĂ©diaires (entre un quart et un cinquième des rĂ©ponses). Salaire et Ă©quilibre des temps de vie font pratiquement jeu Ă©gal pour ces deux dernières catĂ©gories, et on retrouve le positionnement des indĂ©pendants, plus attachĂ©s Ă  l’autonomie qu’à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. L’impact du mĂ©tier exercĂ© au quotidien vient en quatrième position pour les cadres, avec un peu plus de 10 % des rĂ©ponses.

La conception de la réussite dépend aussi du bien-être

Sur la plupart des dimensions, le niveau de bien-être, qu’il soit mesure ici par la satisfaction dans la vie, le sentiment de sens ou la satisfaction à l’égard des années à venir, renseigne peu sur le choix des critères de réussite – à une exception près, le salaire.

Les personnes qui donnent comme premier critère de rĂ©ussite le salaire ont en effet en moyenne un bien-ĂŞtre infĂ©rieur aux autres (6,2, contre une moyenne de 6,6 sur l’ensemble de la population – Figure 8). Celles qui citent en premier un critère de rĂ©ussite plus bas dans la liste ont en moyenne une satisfaction de vie plus Ă©levĂ©e.

Une part de cet Ă©cart de bien-ĂŞtre provient d’un effet de composition : les ouvriers ont une plus forte propension Ă  mettre le salaire en premier, et on sait qu’ils ont en moyenne une satisfaction dans la vie plus faible. Toutefois, une partie de cette diffĂ©rence demeure lorsqu’on raisonne « toutes choses Ă©gales par ailleurs Â», en neutralisant l’effet de l’âge, du revenu, du secteur d’activitĂ© ou de la catĂ©gorie socio-professionnelle.

Les personnes insatisfaites (qui déclarent une satisfaction entre 0 et 4 sur l’échelle de 0 à 10) ont une propension plus forte de 15 points de pourcentage à mettre le salaire en tête de leurs critères de réussite que les personnes qui déclarent une satisfaction proche de la médiane (7 et 8). Inversement, les personnes très satisfaites de leur vie (9 et 10) ont une propension de 7,5 points inférieure à mentionner en premier le salaire, à nouveau toutes choses égales par ailleurs (le revenu en particulier).

En d’autres termes, les personnes peu satisfaites accordent beaucoup d’importance au salaire comme critère de réussite professionnelle, alors que les personnes satisfaites le jugent nettement moins prioritaire.

Une chose après l’autre

Tant les questions de choix de priorité que les critères de réussite suggèrent que les Français de ces générations (les 16-45 ans) ont une conception hiérarchisée de leurs priorités au regard du travail. Le salaire vient en premier, et ce n’est qu’une fois atteint un niveau de salaire jugé suffisant qu’on commence à prendre plus en considération les autres dimensions de la vie professionnelle, l’impact social ou la visibilité arrivant tout en queue de peloton.

Ces résultats sont d’ailleurs corroborés par un récent document de travail de l’Insee6. Celle-ci montre que le rôle des dimensions non-salariales pèsent peu dans les choix de changement d’employeur. Lorsqu’un tel changement entraîne une baisse du salaire horaire, c’est le plus souvent dans la perspective de pouvoir travailler plus longtemps, et donc obtenir une augmentation du salaire net.

Pour les employeurs, ces rĂ©sultats signifient qu’ils n’ont qu’une marge de manĹ“uvre limitĂ©e : offrir des horaires plus flexibles en Ă©change d’un niveau de salaire plus bas que la norme du secteur ne va intĂ©resser qu’une minoritĂ© de candidats. De mĂŞme, la mise en avant de l’impact social ne va constituer un argument d’attractivitĂ© que pour une minoritĂ© – mais pour qui cela peut constituer un facteur de motivation très fort. En tout Ă©tat de cause, nous n’observons pas de contraste marquĂ© dans ces options entre les classes d’âges de 16 Ă  45 ans : les jeunes d’aujourd’hui semblent avoir essentiellement les mĂŞmes aspirations et prioritĂ©s que ceux de la gĂ©nĂ©ration qui les prĂ©cède.

Références

Bibliographie

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Babet, D. et Chabaud, M., 2024, Follow the money ? Workers’ mobility, wages and amenities – Documents de travail, Paris https://www.insee.fr/en/statistiques/8254147 (consultĂ© le 19 septembre 2024).

Gallup, 2024, State of the Global Workplace: 2024 Report https://www.gallup.com/workplace/349484/state-of-the-global-workplace.aspx.

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Monod, O., 2022, À AgroParisTech, le discours d’étudiants refusant les «jobs destructeurs» qui leur sont promis, Libération https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/a-agroparis-tech-le-discours-detudiants-refusant-les-jobs-destructeurs-qui-leur-sont-promis-20220511_VVHAHQYAZFFRFAIHLJECXPVG7U/ (consulté le 18 septembre 2024).

Perona, M. et Senik, C. (éd.), 2021, Le Bien-être en France : Rapport 2020, Paris https://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2020/.

Outils

Les analyses pour cette notes ont Ă©tĂ© menĂ©es sur la base fournie Ă  KĂ©a par Opinion Way. Les calculs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s en utilisant le logiciel R et les paquets suivants :

Helske, J., 2023, diagis: Diagnostic plot and multivariate summary statistics of weighted samples from importance sampling https://github.com/helske/diagis.

Lüdecke, D., Ben-Shachar, M. S., Patil, I., Wiernik, B. M., Bacher, E., Thériault, R. et Makowski, D., 2022, easystats: Framework for easy statistical modeling, visualization, and reporting, CRAN https://easystats.github.io/easystats/.

Pasek, J., Tahk, with some assistance from A., Culter, some code modified from R. A. contributions by G. et Schwemmle., M., 2021, weights: Weighting and weighted statistics https://CRAN.R-project.org/package=weights.

Pedersen, T. L., 2024, ggforce: Accelerating « ggplot2 Â» https://CRAN.R-project.org/package=ggforce.

Robinson, D., Hayes, A. et Couch, S., 2023, broom: Convert statistical objects into tidy tibbles https://CRAN.R-project.org/package=broom.

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  1. Monod, O., 2022, À AgroParisTech, le discours d’étudiants refusant les «jobs destructeurs» qui leur sont promis, Libération https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/a-agroparis-tech-le-discours-detudiants-refusant-les-jobs-destructeurs-qui-leur-sont-promis-20220511_VVHAHQYAZFFRFAIHLJECXPVG7U/ (consulté le 18 septembre 2024).
  2. Kéa, 2023, Les jeunes Français, la valeur du travail et l’entreprise – Retisser des liens, Paris https://hub.kea-partners.com/fr/enquête-jeunes-francais-valeur-travail (consulté le 26 septembre 2024).
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  4. Perona, et Senik, C. (éds.), 2021, Le Bien-être en France : Rapport 2020, Paris https://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2020/, Chapitre 5.
  5. Algan, Y., Beasley, E., Senik, C., Gethin, A., Jenmana, T. et Perona, M., 2018, Les Français, le bonheur et l’argent, Paris, France. https://www.cepremap.fr/publications/les-francais-le-bonheur-et-largent/.
  6. Babet, D. et Chabaud, M., 2024, Follow the money ? Workers’ mobility, wages and amenities – Documents de travail, Paris https://www.insee.fr/en/statistiques/8254147 (consultĂ© le 19 septembre 2024).