Note de l’Observatoire du Bien-être n°2021-03 : Faut-il avoir des bonnes notes pour être heureux à 15 ans ?

Nous connaissons les enquêtes PISA pour la comparaison qu’elles permettent des performances scolaires entre pays. Ces enquêtes apportent cependant aussi un éclairage remarquable sur le bien-être des adolescents interrogés, et en particulier sur les liens que celui-ci entretien avec les performances scolaires.

Nous montrons ici que ce lien est complexe. Si les adolescents qui ont de meilleures notes se déclarent plus satisfaits de leur vie, il n’y a pratiquement pas de relation entre le sentiment d’appartenance à l’école et le niveau de performance, et même une relation négative entre les notes et le sentiment de savoir ce qui donne du sens à sa vie.

Les réponses mettent en évidence un écart fille-garçon très marqué. Les filles sont moins satisfaites de leur vie que les garçons, avec un poids plus important des notes, se sentent moins bien à l’école et déclarent plus souvent éprouver des émotions négatives. Une partie de cet écart semble lié à la peur de l’échec, plus fort chez les filles, et à un moindre esprit de compétition dans un environnement où celui-ci est valorisé.

Dans toutes ces dimensions, la France ne fait pas figure d’exception et ressemble beaucoup aux autres pays européens. Deux spécificités françaises émergent cependant. D’une part, le poids accordé aux mathématiques dans le parcours scolaire se reflète dans l’importance de cette matière dans la satisfaction de vie. D’autre part, la satisfaction dans la vie des adultes, assez décevante au regard des pays comparables, contraste avec les réponses nettement plus favorables des adolescents.

Nous remercions chaleureusement Fabrice Murat (DEPP), Thierry Rocher (DEPP), et Olivier Thevenon (OCDE) pour leurs utiles commentaires et suggestions sur ce travail.

Dylan Alezra, Observatoire du Bien-être du Cepremap, dylan.alezra@cepremap.org

Sarah Flèche, CNRS, Paris 1 et Cepremap, sarah.fleche@univ-paris1.fr

Elizabeth Beasley, Observatoire du Bien-être du Cepremap, elizabeth.beasley@cepremap.org

Mathieu Perona, Observatoire du Bien-être du Cepremap, mathieu.perona@cepremap.org

Claudia Senik, Sorbonne-Université, PSE et Cepremap, senik@pse.ens.fr

Au-delà de son intérêt immédiat, le bien-être des adolescents constitue une clef de leur avenir. Des travaux de long terme1 ont ainsi montré que la santé mentale à 16 ans constituait le plus fort prédicteur de la satisfaction de vie à l’âge adulte. Dans une série de Notes, nous allons examiner la situation en France. Nous commençons ici par le lien entre performances scolaire et bien-être.

Les enquêtes PISA

Des enquêtes PISA, on retient le plus souvent une comparaison des performances scolaires entre pays. Mais elles fournissent également des informations précieuses sur le bien-être des adolescents interrogés.

Nous retenons quatre types de mesures du bien-être : la satisfaction dans la vie, le sentiment de savoir ce qui donne du sens à sa vie, les émotions (positives et négatives) et le sentiment d’appartenance à l’école. Les trois premières dimensions reposent sur des questions similaires posées dans d’autres enquêtes à des adultes ; la dernière est construite à partir d’une série de questions adaptées à l’environnement scolaire. Les constructions de ces variables et les corrélations entre elles sont détaillées en annexe.

Le rapport de l’OCDE sur les enquêtes PISA consacre un chapitre à ces questions2. Nous adoptons ici une perspective un peu différente en envisageant cette question au regard des enjeux du système scolaire français.

Avant d’explorer les relations entre ces dimensions et les performances scolaires des élèves, rappelons que dans la vague de 2018, les élèves français âgés de 15 ans – le champ des enquêtes PISA – se classaient un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE en mathématiques, et légèrement en dessous pour les lettres et la science3. La France est donc comparable sur ce point aux autres pays.

Le bien-être des adolescents

Un effet de la jeunesse

L’enquête PISA comprend un jeu important de questions relatives au bien-être scolaire des élèves, ainsi que des questions plus générales. En particulier, elle pose la question classique de satisfaction dans la vie, souvent posée aux adultes dans les enquêtes. Comme il peut sembler difficile de répondre à cette question lorsque l’on a 15 ans, nous comparons la distribution des réponses obtenues à celles de l’enquête française Statistiques sur les ressources et les conditions de vie (SRCV), qui constitue une référence en la matière.

Figure 1 : Distribution des réponses selon la classe d’âge
Sources : PISA (OCDE) et SRCV (Insee)

Nous constatons ainsi que par rapport aux réponses des personnes âgées de 21 ans et plus (Figure 1), les adolescents déclarent plus souvent des niveaux de satisfaction élevés (réponses 9 et 10 sur l’échelle de 0 à 10), et moins souvent les niveaux intermédiaires 7 et 8. À l’autre extrémité de l’échelle, les adolescents sont aussi un peu plus nombreux à se déclarer peu satisfaits (réponses 0 à 4). Il semble donc y avoir une tendance de la part des adolescents à choisir un peu plus souvent que les adultes les modalités extrêmes de l’échelle. Le fait toutefois que les réponses sont globalement comparables à celles données par les jeunes répondants de 16 à 20 ans à l’enquête SRCV incite à penser qu’il s’agit là d’un effet de l’âge, et non à la formulation de la question, au contexte scolaire ou aux particularités de l’enquête PISA.

Performances scolaires et satisfaction dans la vie

À l’école, on s’attend à ce que les meilleurs élèves soient plus satisfaits de leur vie, ou réciproquement qu’un score de satisfaction élevé s’accompagne de meilleures performances scolaires. En pratique, la relation entre ces deux variables est plus complexe.

Pour saisir le lien entre la performance d’un élève relativement aux autres élèves de son pays, nous classons, au sein de chaque pays, les élèves en dix groupes (déciles) en fonction de leur score PISA global : le groupe 1 regroupe les 10% ayant obtenu les scores les plus faibles dans ce pays, le groupe 2 les 10% suivants, etc. Le dernier décile regroupe ainsi les 10 % d’élèves ayant eu les meilleurs scores PISA de leur pays4.

En construisant des déciles pays pays, nous neutralisons les différences de score moyen entre pays. L’idée sous-jacente est que s’il y a un lien entre bien-être et performance scolaire, il doit passer essentiellement par une comparaison avec les autres élèves du même pays : un Français compare ses résultats avec les notes d’autres élèves de sa classe ou de son entourage, pas avec celles des Suédois ou des Espagnols du même âge.

Plusieurs relations à la performance

Si on s’en tient aux moyennes, il n’y a pas de lien évident entre satisfaction dans la vie et les performances scolaires telles que mesurées par les tests PISA. Les élèves appartenant aux déciles de performances les plus élevés de leur pays ne déclarent pas en moyenne une satisfaction plus élevée que ceux des déciles de performance les plus faibles.

Toutefois, les choses s’éclairent lorsqu’on décompose les élèves en trois groupes : les insatisfaits de leur vie, qui déclarent une satisfaction inférieure ou égale à 5, ceux qui choisissent les modalités 6 à 9, et ceux qui se positionnent tout en haut de l’échelle, à 10, donc qui s’estiment très satisfaits de leur vie.

Figure 2
Lecture : Les garçons ayant déclaré une satisfaction dans la vie inférieure ou égale à 5 représentent 28 % des garçons du premier décile de performance. Pour les filles, cette proportion est de 37 %.
Les barres représentent l’intervalle de confiance à 95 %.

Un élève sur cinq déclare un niveau de satisfaction faible, inférieur ou égal à 5. Leur part dans chaque décile (Figure 2) diminue avec le décile de performance. Les filles les moins satisfaites (les moins bien notées) représentent 37 % des filles du premier décile de performance (les moins bien notées), et un peu plus du quart du dixième décile. Chez les garçons, les pus malheureux ne sont plus nombreux que dans le premier décile.

Dans le second groupe, les élèves ayant répondu entre 6 et 9 (60 % du total des réponses, Figure 3), on observe une relation très nettement positive entre performance scolaire et satisfaction : ils sont beaucoup plus nombreux dans les déciles de performance élevés (jusqu’aux deux tiers du meilleur décile) que dans les déciles de performance faible (moins de 45 %).

Figure 3

Restent les 20 % d’élèves qui ont choisi de se déclarer pleinement satisfaits de leur vie5. Ils sont nettement plus nombreux (Figure 4) dans les déciles de performance les plus faibles : un quart des élèves du premier décile (et un tiers des garçons) contre moins de 10 % des élèves du meilleur décile6.

Figure 4

On a donc dans cette catégorie des profils très différenciés. D’un côté, une relativement faible proportion de très bons élèves, et d’un autre côté un nombre plus important d’élèves aux performances faibles, mais très satisfaits de leur vie. On peut penser qu’il s’agit d’adolescents (ce sont surtout des garçons) qui commencé à construire leur vie autour d’activités et de projets qu’ils perçoivent comme indépendants de leur trajectoire scolaire, et par conséquent accordent peu d’importance à cette dernière.

La plus faible part des filles dans les plus satisfaits et leur sur-représentation parmi les moins satisfaits implique que le lien entre performance scolaire et satisfaction dans la vie est plus fort chez elles que chez les garçons. Nous explorons plus avant cet écart dans la deuxième partie de cette Note.

Une spécificité française ?

Les graphiques ci-dessus sont établis sur l’ensemble des pays de l’OCDE participant à l’enquête PISA 2018. Les résultats ne seraient pas très différents si on ne considérait que la France : une relative indépendance moyenne entre satisfaction et performance, résultant de la juxtaposition d’élèves pour qui les notes comptent assez, et d’autres pour lesquelles elles n’ont que peu d’importance.

La place des mathématiques en France

En France, les mathématiques occupent une place particulière, notamment dans la sélection de l’élite, du lycée aux concours des grandes écoles. De fait, nous observons que le lien entre les résultats aux tests de PISA en mathématiques et la satisfaction dans la vie déclarée par les Français est plus fort que dans tout autre pays de l’échantillon.

Figure 5
Lecture : En France, en 2018, l’augmentation d’un écart-type des notes en mathématiques est associé à une augmentation de la satisfaction d’environ 5 % d’un écart-type.

Sur la Figure 5, la barre noire correspond au poids moyen des mathématiques dans la satisfaction dans la vie déclarée par les élèves dans l’OCDE, en neutralisant les différences socio-économiques entre élèves. Les points bleus représentent le poids des mathématiques spécifique à chaque pays, avec de part et d’autre l’intervalle de confiance dans l’estimation de cette valeur.

On constate ainsi que dans l’échantillon retenu, la France est le pays où le poids des mathématiques est le plus fort, significativement supérieur à la moyenne. À ses côtés, on trouve la Suède, le Luxembourg, l’Islande et l’Italie. À l’inverse, la matière semble peser moins dans l’évaluation que forment les adolescents des États-Unis, un constat similaire à celui fait plus haut sur les performances scolaires dans leur ensemble.

Figure 6

Cette relation particulière aux mathématiques se double en France d’une grande anxiété des filles à l’égard de la matière. Par rapport à la moyenne de l’OCDE, les filles françaises expriment beaucoup plus souvent le sentiment d’être tendues quand elles font leurs devoirs de mathématiques, et de se sentir impuissantes devant un problème de maths (Figure 6).

Le temps des questionnements

Dans les enquêtes destinées aux adultes, on met le plus souvent en regard trois aspects du bien-être subjectif : la satisfaction dans la vie, le fait de se sentir heureux, et le sentiment que sa vie a un sens. La question du sens est naturellement délicate lorsque l’on a 15 ans. L’enquête PISA demande aux élèves s’ils savent ce qui donne un sens à leur vie. Contrairement aux autres métriques, nous observons une relation plutôt négative entre les réponses à cette question et les performances scolaires. Dans chacune des quatre disciplines évaluées par les tests de PISA, les élèves appartenant aux déciles de performance plus élevés sont en moyenne moins sûrs de ce qui donne du sens à leur vie (Figure 7).

Figure 7
Champ : Pays de l’OCDE

Ce résultat est surprenant à deux titres. D’une part, les travaux des psychologues ont pu montrer, pour des élèves à l’université, un lien positif entre sens de la vie et performance académique7. D’autre part, il existe une corrélation positive entre la satisfaction dans la vie et le sens de la vie, pour les adultes. Nous nous attendrions plutôt à une relation positive.

Il faudrait disposer de questions supplémentaires pour mieux comprendre la difficulté des meilleurs élèves à savoir ce qui donne du sens à leur vie. Néanmoins, on peut émettre l’hypothèse que les meilleurs élèves comptent davantage sur l’école pour parvenir in fine à donner du sens à leur vie, tandis que les moins bons élèves cherchent des sources extra-scolaires de sens.

Comprendre les écarts de genre

Nous avons vu plus haut que la plupart des filles déclaraient une satisfaction dans la vie plus faible que celle des garçons. Pour mieux comprendre cet écart, nous avons détaillé les dimensions où apparaissent des différences de perception marquée entre adolescents et adolescentes.

Figure 8
Champ : Pays de l’OCDE

Un tel écart apparaît dans le domaine des émotions (Figure 8). La fréquence à laquelle les élèves ressentent des émotions positives semble ne dépendre ni ne leur genre, ni de leurs performances scolaires (panneau de gauche). Les filles déclarent toutefois nettement plus souvent ressentir des émotions négatives. S’il s’agit ici d’un indice composite, l’image est la même lorsqu’on regarde chacune des émotions qui le compose (peur, tristesse, malheur) : pour chacune des trois émotions, les filles disent beaucoup plus souvent que les garçons éprouver parfois ces émotions. Il s’agit d’un écart qu’on retrouve chez les adultes, mais que l’on voit ici déjà en place à l’âge de 15 ans.

Deux aspects plus étroitement associés à la performance scolaire présentent également des écarts de genre : la peur de l’échec et l’esprit de compétition.

Figure 9
Champ : Pays de l’OCDE

Comme on peut s’y attendre, la peur de l’échec (Figure 9)est négativement associée à la satisfaction dans la vie, ainsi d’ailleurs qu’au sentiment d’appartenance à l’école. Cette peur est nettement plus élevée chez les filles que chez les garçons, et augmente chez elles avec le décile de performance scolaire. On note en revanche peu d’écart entre les garçons de niveaux scolaires différents. La France se distingue quelque peu dans ce domaine : l’écart entre filles et garçons dans la peur de l’échec est peu ou prou le même quel que soit le décile de performance.

Figure 10
Champ : Pays de l’OCDE

Si les filles redoutent l’échec plus que les garçons, on ne constate pourtant pas de différence de genre en matière de « confiance en soi » (ou « résilience » tel que désigné par l’OCDE, Figure 10), celle-ci étant mesurée grâce à un ensemble de questions par lesquelles les élèves évaluent leur capacité à croire en eux-mêmes, y compris dans des moments difficiles. Curieusement, cette dimension du bien-être n’est pas associée aux notes, peu importe le pays.

Au niveau de l’ensemble des pays de l’OCDE, on ne constate pas de différences entre fille et garçons dans ce domaine. Une différence apparaît, au profit des garçons, lorsqu’on ne considère que les pays développés. En France, l’écart de confiance en soit entre garçons et filles est deux fois l’écart moyen des autres pays développés.

Parallèlement, l’esprit de compétition est plus développé chez les garçons et est positivement associé à la satisfaction dans la vie parmi les adolescents (Figure 11). Les garçons des deux premiers déciles en matière de scores aux tests PISA indiquent un esprit de compétition moindre que leurs autres camarades. Chez les filles, on observe une gradation plus progressive en fonction du décile de performance.

Au total, lorsque l’on prend en compte ces deux facteurs (Annexe 2), l’écart entre filles et garçons en matière de sentiment d’appartenance à l’école disparaît. Ainsi, le plus faible niveau de sentiment d’appartenance à l’école des filles serait lié à un degré plus élevé de peur de l’échec, et à un plus faible esprit de compétition, dans un environnement où celui-ci est valorisé. Les écarts de satisfaction dans la vie entre filles et garçons sont capturés à 60 % par ces deux variables, mais le sont intégralement si l’on prend en compte les différences d’émotions négatives.

Figure 1A
Champ : Pays de l’OCDE

Conclusion

Si la satisfaction dans la vie et la performance scolaire des élèves de 15 ans sont bien liées en France, ce lien n’est pas plus fort que dans les autres pays européens, exception faite des États-Unis. La France se distingue cependant par un poids particulièrement élevé des notes en mathématiques dans cette relation. En revanche, le fait de se sentir bien à l’école est peu lié au niveau de performance, et le sentiment de savoir ce qui donne du sens à la vie est plus fort chez les élèves qui obtiennent les scores les plus faibles aux tests PISA.

À l’échelle de l’ensemble des pays de notre échantillon, nous constatons un écart marqué entre les garçons et les filles. Ces dernières sont moins satisfaites de leur vie et de leur expérience au collège, et ressentent plus souvent des émotions négatives. Cet écart s’explique par une plus grande peur de l’échec et un moindre esprit de compétition chez les filles, en particulier chez les meilleures élèves.

Sur une perspective plus longue, le positionnement relativement favorable de la France quant à la satisfaction des adolescents interroge au regard du niveau nettement moins flatteur des réponses données par les adultes : est-ce un effet de génération spécifique à la France, ou bien l’entrée dans l’âge adulte engendre-t-il une cassure plus forte que dans les autres pays ?

Annexe 1. Les variables utilisées et leur construction

L’évaluation des performances scolaires

L’enquête PISA comprend des tests cognitifs dans trois matières : mathématiques, lecture et sciences. Les élèves ne passent pas tous les mêmes tests, ni l’intégralité des tests pour une matière donnée étant donné le coût financier de l’enquête et le coût en temps pour les élèves. Leur « score plausible », c’est-à-dire le score qu’ils seraient susceptibles d’obtenir s’ils avaient passé tous les tests, est calculé à partir de méthodes statistiques complexes détaillés dans le rapport technique de l’enquête.

Comme il y a des différences de niveaux entre les différences pays, nous standardisons les notes obtenues par pays afin de les neutraliser (voir note 4). Nous considérons ensuite la moyenne des notes standardisées pour construire une note générale, et les déciles de performance globale. Lorsqu’on se réfère au décile de performance scolaire dans la note, on entend implicitement le décile de moyenne générale.

La construction des variables sur le bien-être

Dans l’enquête PISA, les élèves doivent se positionner selon quatre modalités (de «Pas du tout d’accord» à « Tout à fait d’accord ») sur des affirmations portant sur différentes dimensions du bien-être. Pour les émotions, en revanche, les modalités sont : « Jamais », « Parfois », « Souvent » et « Toujours ». À partir de ces différentes réponses, l’OCDE construit un indicateur standardisé pour chacune des dimensions mesurées de sorte à pouvoir comparer les pays entre eux. Nous standardisons ces indicateurs par pays afin d’éliminer les différences de bien-être et de pouvoir analyser les relations au sein des pays. Nous utilisons ces réponses de sorte à construire des indicateurs continus, afin de comparer les pays entre eux.

De ce fait, la moyenne de chacune des variables utilisées est de 0, et l’écart-type de 1. Lorsqu’on exprime la moyenne d’une variable pour un décile donné, l’unité est en pourcentage d’un écart-type. À titre indicatif, ajouter un écart-type à la moyenne (ou la médiane) pour une variable donnée fait passer un élève du 50e percentile au 86e, ce qui est une augmentation considérable pour les notes par exemple.

Il faut noter que l’OCDE a construit un indicateur pour les émotions positives, et non pour les émotions négatives pour des raisons de complexité statistique. Cependant, à l’image de Breda et al. (2019), il est possible d’approximer cet indicateur en standardisant chacun des items par pays, puis en prenant la moyenne standardisée des différents items. On obtient des résultats similaires quand on fait un test pour les autres indicateurs.

Les questions composites de chacune des variables

Pour le sentiment d’appartenance à l’école (ST034) :

  • Je me sens à l’écart
  • Je me fais facilement des amis
  • Je me sens à ma place à l’école
  • Je ne me sens pas à ma place à l’école
  • Les autres élèves ont l’air de m’apprécier
  • Je me sens seul à l’école

Pour le bien-être eudémonique (ST185) :

  • Ma vie a un sens clair et précis
  • J’ai découvert un sens satisfaisant à ma vie
  • J’ai un sens clair de ce qui donne de la satisfaction dans la vie

Pour les émotions (ST186) :

Pensez à vous et à ce que vous ressentez habituellement : à quelle fréquence vous sentez-vous comme décrit ci-dessous ?

Émotions positives

  • Heureux(se)
  • Plein(e) d’entrain
  • Fier/Fière
  • Joyeux(se)
  • De bonne humeur

Émotions négatives

  • Effrayé(e)
  • Malheureux(se)
  • Inquiet/Inquiète
  • Triste

Pour la peur de l’échec (ST183):

  • Quand j’échoue, je m’inquiète de ce que les autres pensent de moi.
  • Quand j’échoue, j’ai peur de ne pas être assez doué(e).
  • Quand j’échoue, cela me fait douter de mes projets d’avenir.

Pour l’esprit de compétition (ST181):

  • J’aime bien travailler dans des situations où je suis en compétition avec d’autres.
  • Pour moi, il est important de mieux réussir une tâche que les autres personnes.
  • Je fais plus d’efforts quand je suis en compétition avec d’autres.

Pour la confiance en soi/résilience (ST188):

  • La plupart du temps, je me débrouille d’une façon ou d’une autre
  • Je me sens fier/fière d’avoir accompli des choses
  • Je me sens capable de gérer beaucoup de choses en même temps
  • Ma confiance en moi me permet de surmonter des moments difficiles
  • Quand je me trouve dans une situation difficile, j’arrive presque toujours à m’en sortir

Corrélations entre les variables de bien-être

La Figure 12 représente les coefficients de corrélation entre les variables de bien-être que nous avons mobilisées dans cette Note.

Figure 12

Annexe 2. La méthode économétrique

Pour la relation entre notes et bien-être

Afin d’identifier une relation générale entre notes et une variable de bien-être, on estime le coefficient de la variable dépendante « notes », en contrôlant par le genre, le positionnement socio-économique de l’élève (un indicateur construit à partir du statut socio-professionnel des parents) et le statut migratoire. En particulier, on interagit les notes avec la variable de genre pour savoir si le gradient est plus fort pour les filles ou les garçons.

On effectue aussi ces mêmes régressions séparément par pays, en incluant une variable indicatrice pays, et une variable d’interaction entre pays et notes en maths.

Pour comprendre les écarts de genre

Pour une variable donnée (le bien-être à l’école par exemple), on estime l’écart entre filles garçons en régressant cette variable sur une indicatrice de genre. Si l’on peut absorber une partie, sinon l’intégralité, de ce coefficient par une variable de contrôle, cela signifie que l’écart observé n’est pas tant un écart de genre en soi qu’une différence dans la variable de contrôle fortement corrélé au genre.

Ainsi, lorsqu’on contrôle les écarts de genre dans le bien-être (bien-être à l’école et satisfaction dans la vie) par l’esprit de compétition et la peur de l’échec, l’écart de genre est intégralement absorbé pour le bien-être à l’école et à 60 % pour la satisfaction dans la vie.

Pour la satisfaction dans la vie, ces différences sont absorbées à 100 % lorsqu’on contrôle par les émotions négatives. Ainsi, dans la mesure où les émotions négatives sont corrélées positivement à la peur de l’échec, et négativement à l’esprit de compétition, pour les filles, cela explique l’absorption partielle par ces dernières variables.

Bibliographie

L’OCDE publie un vaste ensemble d’analyses des résultats des enquêtes PISA. Les rapports techniques (par exemple celui de 2018) sont extrêmement riches et utiles pour comprendre le détail des résultats présentés.

La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports publie une collection de de Notes d’information dont de nombreuses (trop pour être toutes citées ici) touchent au bien-être des élèves et aux questions de différence de genre des les résultats et l’expérience scolaire.

American Educational Research Association. (1985). Standards for educational and psychological testing. Washington, DC: American Psychological Association

Blanchard, M. , Orange, S. et Pierrel, A., Filles + Sciences = Une équation insoluble ?, Paris, Rue d’Ulm/CEPREMAP, septembre 2016

Breda, T. and C. Napp (2019) “Girls’ comparative advantage in reading can largely explain the gender gap in math-intensive fields”, PNAS, July 30, 2019: vol. 116, n° 31, pp.  15435-15440

Clark, A., Flèche, S., Layard, R., Powdthavee, N., Ward, G., The Origins of Happiness, Princeton University Press, 2018

Kryza-Lacombe M, Tanzini E, Neill SO. “Hedonic and Eudaimonic Motives: Associations with Academic Achievement and Negative Emotional States among Urban College Students.” J. Happiness Stud. 2019;20(5):1323-1341. doi:10.1007/s10902-018-9994-y

OCDE (2019), PISA 2018 Results (Volume III) : What School Life Means for Students’ Lives, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/acd78851-en

  1. Clark, A., Flèche, S., Layard, R., Powdthavee, N., Ward, G., The Origins of Happiness, Princeton University Press, 2018
  2. OCDE (2019), PISA 2018 Results (Volume III) : What School Life Means for Students’ Lives, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/acd78851-en
  3. Publiés quelques semaines avant cette Note, les résultats de l’enquête TIMSS 2019 plaçaient la France dans une position beaucoup moins favorable. Le Centre national d’étude des systèmes scolaire propose un utile comparatif (Cnesco, 2016) pour comprendre en quoi TIMSS diffère de PISA et peut donc conduire à des classements différents.
  4. En construisant des déciles pays pays, nous neutralisons les différences de score moyen entre pays. L’idée sous-jacente est que s’il y a un lien entre bien-être et performance scolaire, il doit passer essentiellement par une comparaison avec les autres élèves du même pays : un Français compare ses résultats avec les notes d’autres élèves de sa classe ou de son entourage, pas avec celles des Suédois ou des Espagnols du même âge.
  5. En France, cette proportion est de 14 %.
  6. Cette particularité a été relevée et commentée par l’OCDE dans son rapport sur la vague 2018 de l’enquête (OCDE (2019), PISA 2018 Results (Volume III) : What School Life Means for Students’ Lives, PISA, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/acd78851-en, p. 160-161). Chez les adultes, on observe aussi dans d’autre enquêtes des profils atypiques plus nombreux parmi les personnes qui choisissent la modalité la plus élevée de l’échelle de satisfaction.
  7. Kryza-Lacombe M, Tanzini E, Neill SO. “Hedonic and Eudaimonic Motives: Associations with Academic Achievement and Negative Emotional States among Urban College Students.” J Happiness Stud. 2019;20(5):1323-1341.