Ces enseignants qui nous marquent

Note
Observatoire du bien-ĂŞtre

Le suivi d’une cohorte d’enfants permet de mettre en évidence l’influence sur le long terme que peuvent avoir les enseignants sur leurs élèves. Les travaux de Sarah Flèche à partir d’une cohorte britannique montrent que les enseignantes et enseignants du primaire ont un effet non seulement sur les notes de leurs élèves, mais aussi sur leurs compétences non-cognitives (par exemple l’estime de soi, la persévérance, ou encore les relations interpersonnelles). Cet effet s’observe à court terme sur les notes, mais s’estompe avec les années. Cependant, si l’effet sur les notes diminue au fil du temps, on continue à observer une influence des enseignants sur la réussite de leurs élèves à long terme, que ce soit à travers l’accès à l’université, l’insertion sur le marché du travail, leur santé mentale ou leurs comportements.

La capacité des enseignants à améliorer les performances cognitives de leurs élèves ne va pas nécessairement de pair avec leur capacité à améliorer la dimension non-cognitives. Les capacités à faire progresser les élèves dans l’un ou l’autre constituent deux compétences séparées. Ces compétences ne semblent pas s’acquérir principalement avec l’expérience, puisque l’âge, le nombre d’années d’exercice ou la confiance que les enseignants ont dans leurs pratiques ne semblent pas liées à la valeur ajoutée mesurée. En revanche, les pratiques pédagogiques mises en place par l’enseignant contribuent significativement à expliquer les différences de progressions entre élèves.

Cette note est une adaptation de l’article original : Sarah Flèche, « Teacher Quality, Test Scores and Non-Cognitive Skills : Evidence from Primary School Teachers in the UK Â», CEP Working Paper, N°1472, 2017.

Adaptation : Mathieu Perona et Sarah Flèche

Sarah Flèche, assistant professor Aix-Marseille School of Economics Chercheuse associée Observatoire du Bien-être du CepremapP, sarah.fleche@univ-amu.fr

Mathieu Perona, directeur exécutif de l’Observatoire du Bien-être du Cepremap, mathieu.perona@cepremap.org

Les horizons de l’influence des enseignants

Nous avons tous en mĂ©moire des enseignantes ou des enseignants qui ont influencĂ© notre destin scolaire. De fait, la recherche dans le domaine met en Ă©vidence deux effets, Ă  première vue difficile Ă  rĂ©concilier1. D’une part, si on cherche Ă  mesurer l’effet d’un enseignant sur les performances scolaires de ses Ă©lèves, le plus souvent par des tests standardisĂ©s, ces mesures font apparaĂ®tre des impacts importants2. Mais ces effets des enseignants sur les performances scolaires de leurs Ă©lèves s’attĂ©nuent rapidement avec le temps. D’autre part, on constate que ces enseignants qui ont amĂ©liorĂ© les performances scolaires de leurs Ă©lèves une annĂ©e donnĂ©e ont une influence de long terme sur leur rĂ©ussite future : leurs anciens Ă©lèves ont un meilleur taux d’accès Ă  l’enseignement supĂ©rieur, Ă  l’emploi et des revenus plus Ă©levĂ©s3. Puisque cette influence ne se lit pas dans les rĂ©sultats scolaires Ă  long terme, cela peut signifier que ces enseignants, qui ont amĂ©liorĂ© les performances scolaires de leurs Ă©lèves, ont transmis ou dĂ©veloppĂ© des compĂ©tences importantes pour leur succès futur, Ă  l’universitĂ© ou sur le marchĂ© du travail, mais qui ne sont pas en tant que telles Ă©valuĂ©es par le système scolaire. La recherche identifie en effet un ensemble de compĂ©tences dites non-cognitives (voir encadrĂ©), par exemple la persĂ©vĂ©rance, la capacitĂ© Ă  se motiver soi-mĂŞme, l’estime de soi ou le contrĂ´le de soi, qui constituent des atouts importants pour les Ă©tudes et la vie professionnelle4.

Ces constats ont des implications importantes pour la formation et l’évaluation des enseignants. Dès lors qu’on va au-delà de l’acquisition immédiate des connaissances, où l’effet individuel d’un enseignant s’estompe rapidement, il faut comprendre les relations qu’entretiennent les compétences cognitives et non-cognitives dans le temps et la façon dont les enseignants peuvent influencer ces compétences non-cognitives, tout aussi déterminantes pour la réussite future. Pour analyser ces relations, Sarah Flèche a utilisé des données de cohortes anglaises qui ont suivi des enfants de leur naissance à l’âge de 20 ans et qui ont permis de les observer dans leur environnement scolaire. Il devient ainsi possible d’identifier l’effet à court et long terme de leurs enseignants à la fois sur le développement de leurs compétences cognitives mais aussi de leurs capacités non-cognitives.

Ce travail a ainsi permis Ă  l’auteur de mettre en Ă©vidence que :

  • Les enseignants ont un impact sur les compĂ©tences non-cognitives de leurs Ă©lèves aussi bien que sur leurs compĂ©tences cognitives.
  • L’acquisition de compĂ©tences cognitives et non-cognitives sont liĂ©es entre elles. Avoir un enseignant qui fait progresser la performance scolaire d’un Ă©lève amĂ©liore ses capacitĂ©s non-cognitives dans le futur, et vice-versa.
  • L’impact des enseignants sur les capacitĂ©s non cognitives perdurent dans le temps et expliquent une part significative des diffĂ©rences observĂ©es Ă  l’âge de 20 ans en termes d’éducation, d’insertion sur le marchĂ© du travail, de santĂ© mentale et de comportements.
  • La capacitĂ© d’un enseignant Ă  amĂ©liorer les performances scolaires de ses Ă©lèves est assez indĂ©pendante de sa capacitĂ© Ă  amĂ©liorer leurs compĂ©tences non-cognitives sur le court terme. Du point de vue de l’enseignement, ce sont donc deux enjeux pĂ©dagogiques diffĂ©rentes.

Méthode

Une vaste littĂ©rature cherche Ă  estimer l’apport des enseignants Ă  leurs Ă©lèves, le plus souvent en termes de rĂ©sultats scolaires mais aussi, comme ici, sur des mesures d’insertion Ă©conomique et sociale Ă  plus long terme. Les rĂ©sultats des Ă©lèves Ă  une date donnĂ©e sont influencĂ©s par une multitude d’élĂ©ments individuels : leur origine sociale, le niveau de revenu de leur foyer, leur genre, leur travail antĂ©rieur (mesurĂ© par leurs rĂ©sultats les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes), mais aussi collectifs, comme la composition de la classe. L’enjeu est de sĂ©parer l’influence de ces Ă©lĂ©ments de celle de l’enseignant (ou de l’établissement), que l’on dĂ©signe sous le terme de valeur ajoutĂ©e5. La valeur ajoutĂ©e d’un enseignant est ainsi l’écart entre les performances observĂ©es des Ă©lèves Ă  la fin de l’annĂ©e (ou au tout dĂ©but de l’annĂ©e suivante) et celles observĂ©es l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, en contrĂ´lant pour toute l’information disponible sur les Ă©lèves et leur environnement scolaire entre ces deux pĂ©riodes.

Effets Ă  court et long terme des enseignants

Un impact sur la scolarité

L’impact le plus fort s’observe logiquement l’annĂ©e mĂŞme. En mathĂ©matiques, un enseignant meilleur en termes de valeurs ajoutĂ©e que 85 % de ses collègues augmentera la note de ses Ă©lèves de 0,5 points (sur 20) par rapport Ă  un enseignant moyen. C’est ce que nous reprĂ©sentons sur la figure 1. Nous supposons qu’un Ă©lève a eu une annĂ©e donnĂ©e un enseignant dont la valeur ajoutĂ©e est un Ă©cart-type au-dessus de la moyenne de ses collègues, c’est-Ă -dire meilleure de 85 % d’entre eux. Nous calculons ensuite la diffĂ©rence entre le score de cet Ă©lève et celui d’une camarade issue d’une famille similaire, qui aurait eu un enseignant dont la valeur ajoutĂ©e est Ă  la moyenne.


Figure 1 : Impact d’un enseignant jusqu’à 8 ans après avoir quittĂ© sa classe.

L’ampleur des effets ainsi calculĂ©s dĂ©coule en partie du mode de comparaison que nous avons adoptĂ©. Ainsi, l’écart de valeurs ajoutĂ©es entre un enseignant est ramenĂ© sur une Ă©chelle de zĂ©ro Ă  vingt pour faciliter les comparaisons. Il faut Ă©galement noter qu’il s’agit de l’impact moyen sur l’ensemble des Ă©lèves de cet enseignant : un impact d’un demi-point en moyenne signifie une capacitĂ© soit Ă  augmenter les rĂ©sultats de l’ensemble de la classe6, soit Ă  augmenter très nettement les rĂ©sultats d’une partie de la classe sans dĂ©grader ceux du reste.

Ă€ plus long terme, l’effet d’un enseignant sur les performances en mathĂ©matiques s’attĂ©nue avec le temps. Si nous comparons dans le temps un Ă©lève qui aurait eu une annĂ©e donnĂ©e un enseignant meilleur d’un Ă©cart-type par rapport Ă  ses collègues avec un Ă©lève qui aurait eu un enseignant moyen, le premier aurait trois ans après un score supĂ©rieur en mathĂ©matiques de 0,16 points. Huit ans plus tard, on constate encore un Ă©cart de 0,05 points : faible en valeur absolue, mais cela signifie qu’à la sortie du collège, l’enseignant de primaire continue Ă  avoir un effet sur les notes de ses anciens Ă©lèves. Il importe ici de souligner que cette persistance, y compris lorsqu’elle est mesurĂ©e par des tests qui ne comptent ni dans les bulletins scolaires des Ă©lèves ni dans l’évaluation des enseignants, indique que la valeur ajoutĂ©e mesurĂ©e en mathĂ©matiques ne repose pas essentiellement sur une prĂ©paration au test, mais bien sur un dĂ©veloppement des compĂ©tences mathĂ©matiques de fond.

Dans le domaine non-cognitif, l’effet immĂ©diat est plus faible, de 0,2 points sur 20, mais persiste plus fortement dans le temps. Huit ans plus tard, l’effet d’avoir eu enseignant plus performant dans sa capacitĂ© Ă  amĂ©liorer les capacitĂ©s non-cognitives de ses Ă©lèves reste de 0,05 points, soit un effet Ă©quivalent Ă  25 % de son effet initial. Rappelons que ce score non-cognitif se fonde sur les rĂ©ponses des parents. L’effet de l’enseignant dans ce domaine est donc suffisamment fort pour ĂŞtre remarquĂ© par les parents, y compris plusieurs annĂ©es après.

Dans son travail, Sarah Flèche met aussi en évidence que les effets des enseignants se cumulent dans le temps. En d’autres termes, les impacts des enseignants s’additionnent, qu’il s’agisse des mathématiques ou du comportement. Cela confirme que cette mesure de valeur ajoutée correspond bien à l’acquisition de compétences fondamentales, et non d’une avance temporaire sur les autres élèves du même âge.

Enfin, l’expérimentation montre que les progrès se renforcent mutuellement. Ainsi, les élèves d’un enseignant à forte valeur ajoutée en mathématiques voient leurs scores non-cognitifs progresser l’année suivante plus que ceux des élèves d’un enseignant à moins forte valeur ajoutée en mathématiques, et inversement.

Des effets Ă  long terme

Bien qu’on leur accorde beaucoup d’importance sur le moment, les notes en mathématiques ne constituent pas un objectif en soi. Elles n’intéressent que dans la mesure où elles indiquent l’acquisition de compétences qui seront utiles dans la suite du parcours des élèves.

Nous venons de voir plus haut que l’impact mesurable d’un enseignant sur les performances cognitives et non-cognitives d’un Ă©lève donnĂ© s’attĂ©nue avec le temps. Pourtant, plusieurs Ă©tudes ont aussi mis en Ă©vidence des effets Ă  beaucoup plus long terme, en particulier sur l’accès aux formations supĂ©rieures et Ă  l’emploi. Ici, le suivi des Ă©lèves permet de constater que ce que les Ă©tudes prĂ©cĂ©dentes avaient observĂ© sur des Ă©chantillons sĂ©parĂ©s s’observe aussi lorsqu’on suit les mĂŞmes Ă©lèves : on mesure Ă  la fois une attĂ©nuation de l’effet sur les scores et un impact significatif sur la situation scolaire et sociale de ces enfants devenus de jeunes adultes.

Le tableau 1 restitue les impacts mesurables Ă  18 ou 20 ans du fait d’avoir eu Ă  8 ou 11 ans un enseignant dont la valeur ajoutĂ©e est supĂ©rieure d’un Ă©cart-type Ă  la moyenne de ses collègues sur une sĂ©lection d’indicateurs : le fait de finir le lycĂ©e, l’accès Ă  l’universitĂ©, le choix d’une filière scientifique, le revenu espĂ©rĂ© Ă  40 ans, un score standardisĂ© de santĂ© mentale7, le fait de boire de l’alcool au moins une fois par semaine, le fait d’avoir dĂ©jĂ  fumĂ© et le fait d’avoir dĂ©jĂ  fait un don Ă  une association caritative.

AspectRéférenceMathsNon-cog
LycĂ©e74 %+2,6
(+3,5 %)
+2,6
(+3,5 %)
UniversitĂ©45 %+3,4
(+7,5 %)
+3,6
(+8,0 %)
Études scientifiques17 %+1,3
(+7,5 %)
+0,7
(+4,0 %)
Revenus espĂ©rĂ©s26 500 ÂŁ+384
( +1,4 %)
-285
(-1,1 %)
Santé mentale19+0,19
(+1,0 %)
+0,23
(+1,2 %)
Alcool17 %-0,5
(-29 %)
-0,7
(-41 %)
Tabac46 %-0,1
(-0,2 %)
-1,7
(-3,7 %)
Don50 %+0,6
(+1,2 %)
+2,3
(+4,6 %)
Tableau 1 : Effets de long terme
Lecture : Au sein de la cohorte, 45 % des Ă©lèves ont accĂ©dĂ© Ă  l’universitĂ©. Un enseignant dont la valeur ajoutĂ©e en mathĂ©matiques est un Ă©cart-type au-dessus de la moyenne augmente de 3,6 points de pourcentage la probabilitĂ© que ses Ă©lèves aillent Ă  l’universitĂ© (une progression de 7,5 %).
Les effets en italiques et en gris ne sont pas statistiquement significatifs.

Ainsi, avoir Ă©tĂ© dans la classe d’un enseignant ou d’une enseignante plus performante sur les mathĂ©matiques, comme dĂ©fini prĂ©cĂ©demment, augmente de 2,6 points de pourcentage la probabilitĂ© de finir le lycĂ©e, et et de 3,4 points celle d’aller Ă  l’universitĂ©. Dans la cohorte concernĂ©s, 45 % des enfants suivis sont allĂ©s Ă  l’universitĂ©. Une augmentation de 3,4 points de la probabilitĂ© d’accès correspond donc Ă  une augmentation de 7,5 % de la probabilitĂ© d’accès au supĂ©rieur, simplement du fait d’un enseignant de primaire particulièrement efficace. L’impact de long terme de la valeur ajoutĂ©e non-cognitive est très similaire Ă  celui des mathĂ©matiques, et s’ajoute Ă  ce dernier. Ainsi un Ă©lève ayant eu (pas forcĂ©ment la mĂŞme annĂ©e) un enseignant performant dans chaque domaine a une probabilitĂ© 15 % plus Ă©levĂ©e d’accĂ©der Ă  l’universitĂ© que ses camarades ayant eu des enseignants moyens.

Ces chiffres démontrent une remarquable persistance de l’influence des enseignants du primaire non seulement sur la destinée scolaire de leurs anciens élèves, mais aussi sur un ensemble plus large d’attitudes et de comportements essentiels. La mise en regard des deux constats suggère ainsi que l’effet des enseignants à long terme passe par d’autres biais que ceux mesurés par les notes, ici le score en mathématiques, et par l’indicateur non-cognitif.

Enseigner, une question de mĂ©thode ?

Face à ces résultats, on se pose naturellement la question de savoir ce qui explique les différences de valeur ajoutée entre les enseignants. Si les meilleures performances reposent sur des pratiques d’enseignement, celles-ci peuvent être enseignées et adoptées par les collègues.

Des compétences séparées

Nous avons mentionnĂ© plus haut qu’il existait un effet croisĂ© dans l’acquisition : les Ă©lèves qui progressent en mathĂ©matiques grâce Ă  un bon enseignant une annĂ©e voient leurs scores comportementaux augmenter aussi les annĂ©es suivantes. Est-ce Ă  dire qu’il y a au fond simplement de bons enseignants, qui font progresser leurs Ă©lèves dans les deux domaines, et de moins bons enseignants ? En d’autre termes, est-ce qu’on observe aussi un effet croisĂ© dans la transmission ?

En pratique cependant, les deux compĂ©tences apparaissent bien distinctes. Sur la figure 2, chaque point est un enseignant (certains sont observĂ©s deux ou trois fois), positionnĂ© par la valeur ajoutĂ©e dans chaque dimension. On constate que la corrĂ©lation entre les deux dimensions est faible : la droite bleue est proche de zĂ©ro et la relation qu’elle reprĂ©sente n’est pas significative. Ainsi, un enseignant Ă  forte valeur ajoutĂ©e en mathĂ©matiques n’augmentera pas nĂ©cessairement les capacitĂ©s non-cognitives de ses Ă©lèves et vice versa.

On constate également qu’il y a peu d’enseignants qui seraient très mauvais dans les deux dimensions (le coin en bas à gauche du graphique), et peu de super-enseignants qui seraient très performants dans les deux dimensions (partie en haut à droite). Ce résultat suggère ainsi que les capacités à faire progresser les élèves mobilisent des pratiques ou des attitudes différentes selon les domaines.


Figure 2 : Valeurs ajoutĂ©es, ramenĂ©es Ă  une Ă©chelle de 0 Ă  20. Chaque point correspond Ă  une observation (enseignant, annĂ©e). Les points sont semi-transparents afin de mettre en Ă©vidence les endroits oĂą plusieurs observations se superposent.

Une question de pratiques

Est-il possible de dresser le portrait d’un enseignant ou d’une enseignante Ă  haute valeur ajoutĂ©e ? La base de donnĂ©es utilisĂ©e disposant de nombreuses information sur les enseignants, il est possible d’estimer les relations entre un certain nombre de caractĂ©ristiques et la valeur ajoutĂ©e8. La conclusion est d’abord nĂ©gative : le nombre d’annĂ©es d’enseignement (totales ou dans l’école actuelle), le temps passĂ© Ă  enseigner les mathĂ©matiques et mĂŞme le score de santĂ© mentale de l’enseignant n’ont pas de relation significative avec son niveau en valeur ajoutĂ©e. De mĂŞme, le niveau d’estime de soi ou le niveau de confiance Ă  l’égard de ses propres pratiques d’enseignement n’apportent pas d’information sur la valeur ajoutĂ©e mesurĂ©e. En termes de genre, les femmes ont un niveau de valeur ajoutĂ©e moyen un peu supĂ©rieur Ă  celui de leurs collègues masculins dans le domaine non-cognitif, et Ă©quivalent en ce qui concerne les mathĂ©matiques.

De fait, l’élément observable le plus déterminant semble être les méthodes d’enseignement. Une analyse en composantes principales montre qu’en combinant plusieurs pratiques d’enseignement, telles que des interactions fréquentes avec la classe, une valorisation des élèves ayant bien réalisé un exercice, ainsi que la mise en place de travail de groupe, toutes choses égales par ailleurs (c’est-à-dire à caractéristiques de l’enseignant similaires), ces pratiques sont associées positivement avec la valeur ajoutée d’un enseignant à la fois en mathématiques comme dans le domaine non-cognitif.

Bibliographie

Article source

Sarah Flèche, « Teacher Quality, Test Scores and Non-Cognitive Skills : Evidence from Primary School Teachers in the UK Â», CEP Working Paper, N°1472, 2017.

Articles cités

Chetty, R., J. N. Friedman, and J.E. Rockoff. 2014a. “Measuring the Impacts of Teachers I: Evaluating Bias in Teacher Value-Added Estimates”. American Economic Review 104(9): 2593-632.

Chetty, R., J. N. Friedman, and J.E. Rockoff. 2014b. “Measuring the Impacts of Teachers II: Teacher Value-Added and Student Outcomes in Adulthood”. American Economic Review 104(9): 2633-79.

Heckman, J.J., J. Stixrud, and S. Urzua. 2006. “The Effects of Cognitive and Noncognitive Abilities on Labor Market Outcomes and Social Behavior”. Journal of Labor Economics 24(3): 411-82.

EncadrĂ© 1 : les donnĂ©es

L’étude repose sur l’Avon Longitudinal Study of Parents and Children(ASLPAC). Cette cohorte regroupe 70% des enfants nĂ©s entre mars 1991 et fĂ©vrier 1993 Ă  Bristol (Royaume-Uni) et dans les environs (comtĂ© d’Avon). Les enfants sont suivis chaque annĂ©e, de leur naissance jusqu’ Ă  l’âge de 20 ans. Lorsque ces enfants ont atteint 8 et 11 ans, un questionnaire a Ă©tĂ© administrĂ© Ă  leurs enseignants. Ces âges correspondent respectivement Ă  la troisième et dernière annĂ©e du primaire au Royaume-Uni (« year 3 Â» and « year 6 Â»), au CE1 et CM2 en France. On dispose ainsi d’informations très dĂ©taillĂ©es sur les enfants, leur environnement familial et socio-Ă©conomique, ainsi que sur leurs milieux scolaires. L’échantillon couvre 1054 enseignants rĂ©partis dans 476 Ă©coles.

Les compétences en mathématiques de tous les élèves britanniques sont évaluées par des tests nationaux aux âges de 7, 11, 14 et 16 ans. (Key stages 1, 2, 3, and 4). Pour les besoins de l’enquête, les enfants de la cohortes ont participé à deux tests complémentaires, à 9 et 11 ans. Ne comptant ni dans les bulletins des élèves ni dans les évaluations des enseignants, ces deux tests complémentaires fournissent une mesure qui n’est pas soumise à la pression aux résultats. Sur le volet non-cognitif, les parents remplissent le Strength and Difficulties Questionnaire, dont les réponses sont agrégées sous la formes d’indicateurs synthétiques. Ce questionnaire fournit de 5 à 16 ans une mesure cohérente. Cette mesure est dissociée de l’institution scolaire, puisque n’incluant pas les retards, absences et sanctions, même si on observe une forte relation entre le résultat du questionnaire et ce type d’événements.

À partir de 18 ans, l’étude comprend aussi des informations sur le niveau de diplôme atteint, l’insertion sur le marché du travail, la santé, le bien-être subjectif, comportements sociaux et aspirations. Le bien-être subjectif est plus particulièrement mesuré par le Short Moods and Feelings Questionnaire, qui comprend 33 questions et est couramment utilisé pour repérer les risques dépressifs. Les questionnaires relèvent également chez les jeunes adultes la consommation de tabac et d’alcool ainsi que la participation à des actions caritatives.

EncadrĂ© 2 : les compĂ©tences non-cognitives

Pour Ă©valuer les compĂ©tences non-cognitives des enfants, ce travail mobilise le Strength and Difficulties Questionnaire, destinĂ© Ă  la dĂ©tection de problèmes psychologiques (comportement, hyperactivitĂ©, inattention, problèmes relationnels, difficultĂ©s de gestion des Ă©motions). Largement employĂ© dans les recherches en sciences sociales, quatre rubriques de ce questionnaire sont utilisĂ©es avec cinq questions chacune : problèmes Ă©motionnels (enfant facilement effrayĂ©, souvent triste ou anxieux), relation avec les autres enfants (a-t-il des amis ? est-il victime de brimades ou de harcèlement ?), comportement (crises de colère, tricheries ou mensonges rĂ©pĂ©tĂ©s), hyperactivitĂ© et inattention (rĂ©flĂ©chit-il avant d’agir ? a-t-il du mal Ă  se concentrer sur une activitĂ© ?). Chaque question porte trois modalitĂ©s de rĂ©ponse de zĂ©ro Ă  deux, l’ensemble fournissant des scores de 0 Ă  20 sur les comportements « intĂ©rieurs Â» (« internalizing SDQ, Ă©motions et relation avec les autres) et sur les comportements « extĂ©rieurs Â» (« externalizing SDQ, comportement et hyperactivitĂ©).

Afin de faciliter la comparaison avec les résultats des tests de mathématiques, ce travail a construit un score non-cognitif comme la moyenne des deux scores ci-dessus. L’ordre a été inversé, de manière à ce qu’à l’image de la notation en mathématiques, zéro indique le cas le plus problématique et 20 le cas le plus favorable.

  1. Nous donnons ici une vue d’ensemble de la littérature utile pour comprendre les enjeux des résultats que nous présentons. Nous n’incluons pas dans le texte l’ensemble des références, qui sont mentionnées dans l’article dont cette note est une adaptation (voir Flèche, 2017).
  2. Chetty et al., 2014a.
  3. Chetty et al., 2014b.
  4. Heckman et al., 2006.
  5. En France, le Ministère de l’Éducation Nationale procède ainsi pour calculer des valeurs ajoutĂ©es au niveau des lycĂ©es : https://www.education.gouv.fr/methodologie-des-indicateurs-de-resultats-des-lycees-11948.
  6. Soit pour une classe de 28 élèves, une augmentation totale de 14 points (=28*0,05 points).
  7. Voir l’Encadré 1 sur les métriques utilisées.
  8. Table A.17 de l’article.