Newsletter de l’Observatoire du Bien-être n°12 – Septembre 2018

Cette newsletter fête ce mois-ci sa première année d’existence ! Nous espérons que vous y trouvez chaque mois des ressources intéressantes.

Au cours de cette première année, nous nous sommes attachés à compléter le travail de veille sur les articles par un travail similaire portant sur les sources de données, outils et méthodes de recherche. La crise de la réplication qui touche la psychologie expérimentale a en effet donné un relief particulier à l’évolution en cours dans la manière de mener des recherches qui visent à mettre en évidence des effets causaux en sciences sociales, dans un contexte plus général de défiance accrue à l’égard de la science et des scientifiques.

Le cadre légal est lui aussi en évolution rapide, avec le Règlement Général pour la Protection des Données, qui après avoir encombré nos boîtes mails, va avoir des répercussions très sensibles sur notre manière de collecter, traiter et archiver les données de recherche.

Nous allons probablement poursuivre sur l’ensemble de ces thèmes pour cette deuxième année, mais toutes vos remarques et suggestions sont évidemment les bienvenues.

Observatoire

Esther et Madeleine, nos assistantes de recherche

Nous disons ce mois-ci au revoir à Esther, qui nous a remarquablement aidés depuis septembre dernier. Esther a pris une part active à la rédaction de plusieurs notes de l’Observatoire, et contribué à plusieurs travaux de recherche sous la direction de Claudia et d’Elizabeth. Nous lui exprimons tous nos remerciements, et lui souhaitons une bonne année de M2.

Nous souhaitons maintenant la bienvenue à Madeleine Péron que certains d’entre vous ont peut-être déjà croisée à PSE, où elle a réalisé son Master (APE), ou dans ses fonctions de rédactrice en chef de la revue Regards croisés sur l’économie. Comme Esther, Madeleine participera à la rédaction des Notes de l’Observatoire ainsi qu’à la réalisation des travaux de recherches que nous menons.

Note de l’Observatoire du Bien-être n°2018-05 : Le Bien-être des Français – Juin 2018

Pris au cœur des mouvements sociaux de juin 2018, ce portrait du bien-être en France diffère relativement peu de celui que nous pouvions établir en mars. La plupart des dimensions de notre enquête sont en légère amélioration, montrant que la tension du climat social en juin a eu un effet limité sur le ressenti d’ensemble de nos enquêtés.

Après avoir un atteint un étiage en décembre 2017, le niveau des réponses moyennes à notre question « Avez-vous été heureux hier » poursuit la reprise amorcée en mars. Toutefois, ce mieux-être est le fait des hommes dans notre enquêtes, les femmes ne partageant en moyenne pas cette embellie.

Il en va de même pour l’optimisme : le pessimisme moyen des femmes quant aux perspectives de la prochaine génération en France et en Europe s’accentue. Les hommes, eux, semblent retrouver de la confiance dans l’avenir national, mais partagent dans une certaine mesure une opinion assombrie des perspectives européennes.

Mathieu Perona, Le Bien-être des Français – Juin 2018, Observatoire du Bien-être du CEPREMAP, n°2018-05, 24 Juillet 2018

European Social Survey

L’ESS a annoncé que le 10e round de l’étude, qui sera conduit en 2020, comportera des modules portant sur les médias et la communication d’une part, et les attitudes à l’égard de la démocratie d’autre part. Le module sur la démocratie comprend 20 questions qui figuraient dans le module du round 6 (2012/2013). Le module sur les médias et la communication comprendra des questions sur les attitudes à l’égard d’internet et des smartphones, de leurs conséquences sur la vie personnelle et professionnelle, ainsi que sur les sujets de vie privée dans un environnement numérique.

Données personnelles et recherche scientifique : quelle articulation dans le RGPD ?

Si les effets du Règlement Général sur la Protection des Données commencent à se faire sentir sur le modèle d’affaires de nombreuses entreprises, ses implications pour la recherche restent floues pour beaucoup d’entre nous. Ce billet du juriste Lionel Maurel (@Calimaq sur les réseaux sociaux) permet de dégager quelques lignes importantes :

Dérogation au principe de finalité Dans le droit commun, les données collectées doivent l’être dans un but précis, dont doivent être informées les personnes dont les données sont collectées. Le règlement admet dans le cas de la recherche un certain degré d’indétermination.

Changement de finalité De même, la recherche bénéficie d’une présomption de compatibilité lorsque des données colle ctées dans un but (i.e. un projet de recherche) sont utilisées dans un autre, à finalité similaire (un autre projet sur un thème connexe).

Dérogation au principe de limitation de la durée de conservation

Si théoriquement toute donnée permettant l’identification des personnes concernées (une définition qui s’élargit de jour en jour avec les possibilités de croisement de bases de données) ne peuvent être conservées que sur le temps minimal nécessaire à leur traitement, les données de recherche échappent à cette obligation. Les projets de recherche doivent toutefois prévoir explicitement une durée maximale de conservation, au-delà de laquelle les données sont confiées à un service archivistique – pour les universités, ce sont les archives départementales qui sont compétentes.

Pas de dérogation au principe de minimisation Ce principe impose de ne traiter que les données strictement nécessaires à la finalité du projet de recherche. Il faut donc s’attendre à ce que les projets doivent spécifier de manière très serrées les données requises dès lors que celles-ci sont pseudonymisées (par opposition aux données anonymisées, qui ne permettent en aucun cas d’identifier la personne).

Droit des personnes La France a choisi de ne pas activer les exceptions recherches au droit des personnes. Les projets collectant des données doivent donc s’organiser pour répondre aux demandes de consultation, rectification et limitation qui leur seraient envoyées. Le statut d’opposition (effacement complet) est plus flou, les chercheurs pouvant en refuser l’exercice s’ils peuvent démontrer que cela compromet les résultats de la recherche.

Nous conseillons la lecture de l’ensemble du billet, qui permet de prendre la mesure des conséquences du nouveau régime européen de traitement des données sur les activités de recherche.

Une autre synthèse, publiée par The Conversation, relève que le RGPD va imposer un droit de regard des établissements sur les équipements personnels des enseignants-chercheurs (ordinateurs, téléphones) dès lors que ceux-ci sont utilisés pour manipuler des données à caractère personnel – les notes et appréciations des étudiants tombant dans cette catégorie. Il est probable qu’à ce titre, les établissements imposent de manière accrue le recours aux adresses mails qu’ils fournissent, et proscrivent certain des services mails les plus connus.

Vu sur le Web

Économie comportementale et politiques publiques

B. Douglas Bernheim et Dmitry Taubinsky ont publié en juillet leur contribution dans le Handbook of Behavioral Economics. Ce chapitre fait le point sur ce que l’économie comportementale, y compris le recours aux métriques de bien-être subjectif, change dans la conception et la mise en place de l’action publique.

“Behavioral Public Economics,” B. Douglas Bernheim, Dmitry Taubinsky, NBER Working Paper No. 24828

Wellbeing : Should we really be using it to ‘monetise’ non-market activities ?

Dans un billet invité par le What Works Wellbeing, Dan Corry (New Philanthropy Capital) interroge la transformation d’effets exprimés en termes de bien-être vers un équivalent monétaire. Au-delà des aspects méthodologiques propres à la mesure du bien-être subjectif, l’orientation générale de l’argumentaire rappelle celui développé par David Throsby dans Economics and Culture au sujet de l’effet des activités culturelles.

Long-run Effects of Lottery Wealth on Psychological Well-being

Exploitant un échantillon de gagnants à la loterie nationale suédoise, les auteurs mettent en évidence un effet de long terme sur la satisfaction de vie, mais limités sur le bonheur ou la santé mentale, ce qui suggère un rôle médiateur de la richesse sur la satisfaction de vie et plus généralement sur les dimensions évaluatives du bien-être.

Long-run Effects of Lottery Wealth on Psychological Well-being,” Erik Lindqvist, Robert Östling, David Cesarini, NBER Working Paper No. 24667

Relative Deprivation and Well-Being of the Rural Youth

Ce document de travail de la Banque Africaine de développement met en évidence un double effet de la pauvreté relative sur le bien-être : une pauvreté relative objective par rapport au groupe de référence (auto-déclaré) nourrit des aspirations positives (effet de signal), tandis que la pauvreté relative subjective pèse sur le bien-être.

Sakketa T. G. and N. Gerber (2016). “Relative Deprivation and Well-Being of the Rural Youth”, Working Paper Series N°296, African Development Bank, Abidjan, Côte d’Ivoire.

How Much Does Your Boss Make? The Effects of Salary Comparisons

En révélant aléatoirement à des salariés d’une grande entreprise les salaires de leurs pairs et de leurs managers, les auteurs constatent un effet négatif de l’information à propos des pairs sur la performance, mais positif de l’information sur les managers. Ils interprètent ces résultats en termes d’effet de comparaison relative et d’aspirations.

Zoë Cullen, Ricardo Perez-Truglia, “How Much Does Your Boss Make? The Effects of Salary Comparisons”, NBER Working Paper No. 24841, Issued in July 2018, Revised in August 2018