Note de l’Observatoire du Bien-être 2017-10 : Jeux Olympiques et bien-être, un effet de courte durée

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Article original : Paul Dolan, Georgios Kavetsos, Christian Krekel, Dimitris Mavridis, Robert Metcalfe, Claudia Senik, Stefan Szymanski et Nicolas R. Ziebarth, « The Host with the Most? The Effects of the Olympic Games on Happiness”, CEP Discussion Paper No 1441, Juillet 2016, Télécharger

Adaptation : Claudia Senik et Mathieu Perona

Sur le plan financier, il semble établi qu’organiser les Jeux Olympiques est une opération perdante : effets induits sur l’investissement faibles, les spectateurs remplacent chassent des touristes qui seraient venus de toutes manières, et le coût final est la plupart du temps très au-delà du coût prévu. L’argumentaire des organisateurs met donc en avant des bénéfices intangibles, faisant des JO une source d’inspiration et d’enthousiasme.

Une nouvelle étude contribue à l’évaluation de cet argument comparant le bien-être déclaré par les habitants de Londres (ville organisatrice), Paris (ville candidate) et Berlin lors des étés 2011, 2012 – année des Jeux – et 2013.

De fait, les Londoniens déclarent être plus heureux et plus satisfaits de leur vie que les  Parisiens et les Berlinois. De manière frappante, cet écart décolle à la date de la cérémonie d’ouverture des Jeux, et se résorbe après la fermeture. À profil comparable (âge, diplôme, revenu, etc.), les Londoniens affichent ainsi une satisfaction de vie pendant les Jeux en hausse, hausse qui correspondrait à une augmentation de leur revenus de 1%. Cette augmentation ne dépend pas de l’âge ou du sexe des répondants, mais augmente avec le niveau de revenu.

Cet effet est cependant de courte durée. L’écart se referme en quelques semaines, et on voit apparaître dans l’évaluation du sentiment du sens de la vie un effet négatif, sorte de gueule de bois après la grande fête des JO. Et à moyen terme ? En 2013, l’effet des Jeux semble s’être complètement estompé, les Londoniens revenant peu ou prou à leurs niveaux de bien-être de 2011. Seul demeure en 2013 un sentiment plus fort de fierté nationale chez les Londoniens.

Ce motif de fierté nationale est-il le signe que ce sont les très bonnes performances de la délégation d’athlètes britanniques qui expliquent l’augmentation du bien-être pendant les Jeux ? Probablement pas : le nombre de médailles obtenues par chaque équipe nationale, ne semble pas affecter les réponses, que ce soit à Londres, à Paris ou à Berlin.

Que dire alors du retour sur investissement ? Pour obtenir une hausse identique du bien-être subjectif des Londoniens (de 1%), il faudrait accroitre leur revenu annuel de 1,4 milliards de livres, soit 58% du budget initial et 12% des coûts effectifs de l’organisation des Jeux. Si on transpose ce calcul aux données de l’Île-de-France, cela correspond à un  transfert de 2,9 milliards d’euros, à comparer au budget prévisionnel pour Paris 2024, de 6,6 milliards d’euros.

Du point de vue de la ville, les auteurs de l’article en concluent donc que, dans le cas de Londres 2012, les Jeux n’en valaient probablement pas la coûteuse chandelle, faute d’effets immédiats suffisamment puissants ou d’effets de long terme significatifs.

Ce constat ne signifie cependant pas qu’il faut en finir purement et simplement avec les Jeux. L’effet symbolique et hédonique des Jeux olympiques ne peut sans doute pas être réduit aux limites des habitants de Londres, Paris ou Berlin. De plus, ni la métrique financière ni celles du bien-être n’épuisent totalement les conséquences de cet événement, en particulier son rôle emblématique de compétition pacifique entre les nations, exposant les spectateurs à la diversité des peuples de la planète.

Dans ce cas, l’accumulation d’indices d’un faible retour pour investissement pour la ville organisatrice pourrait conduire à une refonte du mode de financement des Jeux, plus en accord avec un statut de bien public mondial.